A la poubelle !


 

Dans le cadre de la réorganisation du siège de l’entreprise dont j’ai déjà parlé, nous devons provisoirement déménager vers un autre site, le temps que des travaux soient effectués dans les locaux que nous occupons actuellement. Et il nous a été demandé, dans cette perspective, de limiter la quantité d’affaires à transporter, et donc le nombre de cartons mis à la disposition de chacun d’entre nous.

Or, ce déménagement étant désormais proche, c’est à une frénésie de mise à la poubelle et de débarras qu’on assiste depuis quelques jours, frénésie qui s’accompagne, très visiblement et sans la moindre vergogne, d’un immense plaisir, d’une vraie jouissance : ah ! tous ces vieux machins dont on n’avait pas eu, jusqu’ici, l’occasion de se débarrasser, et qu’on se permet, aujourd’hui, de mettre ouvertement au rebut ; toutes ces notes qu’on avait lues, commentées, annotées, tous ces livres et ces revues qu’on avait étudiés, soulignés, stabilobossés, qui nous avaient été utiles mais qui ne sont désormais plus rien, et qu’on jette en redressant le torse, comme libéré d’un poids immense.

Tous ces trucs, ces objets, ces gadgets, récupérés de cadeaux ou de fêtes d’entreprise, qui étaient dès les départ des machins totalement vains mais qu’on s’était néanmoins cru obligés de conserver par inertie, infantilisme, mimétisme ou obéissance et qu’on peut maintenant virer la conscience tranquille !

Tous ces rapports, ces études, ces travaux, que nous-mêmes avions faits et dont on avait gardé une version papier poussiéreuse en se disant que peut-être un jour on en aurait besoin ; et des années après, ce jour n’est pas venu et le papier est toujours là, un peu jauni, un peu effacé, clamant son ennui et son inutilité à la face du monde !  Et nous pouvons enfin, aujourd’hui, le mettre au pilon, le jeter  à la poubelle !

C’est une libération ! Un poids et une chaîne de bagnard qui soudain se détachent de nous !

“Travelling light”, chante Leonard Cohen dans le morceau qui illustre cet enregistrement, et c’est cet allègement que nous ressentons tous.

N’y aurait-il que cela, cette immense joie de la poubelle, que le déménagement serait déjà utile.


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12 Comments

  1. 30 mai 2018
    Reply

    Yes ! Quelle ivresse ! 😁

  2. 30 mai 2018
    Reply

    “… en se disant que peut-être un jour on en aurait besoin ; et des années après, ce jour n’est pas venu et le papier est toujours là, un peu jauni, un peu effacé…”.
    C’est tout à fait cela ! Le fameux jour ne vient jamais !
    😉

    • 31 mai 2018
      Reply

      Le fameux jour ne vint jamais et l’on se rend compte qu’on s’est chargé pour rien. Et en plus, on est un peu dépité…

      Bonne journée, Andrea.

  3. Ahhhh ton billet tombe à pic: j’ai fait un immense ménage-tri dimanche dans les pièces qui servent en général de fourre-tout à la maison… c’est une grande joie!
    (Et cela fait aussi réfléchir sur les habitudes de consommation).

    • 31 mai 2018
      Reply

      Oui, Clémentine. Toutes ces choses qu’on accumule.

      Ça doit sûrement avoir été étudié, cette recherche d’une certaine réassurance, d’une certaine stabilité, d’une certaine assise, par la sur accumulation de choses inutiles…

      Bonne journée !

      • Je ne sais pas…
        moi, l’accumulation m’angoisse. J’ai l’impression de retrouver la maîtrise de ma vie quand je range et que je trie…

  4. 30 mai 2018
    Reply

    Bonjour,
    J’adore ton article, c’est ce que je fais chez moi depuis 1 mois.
    Je trie, je jette, je me sépare, je quitte, je libère… mais quel bonheur, ma tête se libère et j’ose dire, je sens que mon corps s’allège !
    Les choses, objets, papiers, magazines, livres, crayons, ces choses que nous accumulons nous possèdent. La surabondance que génère la société de consommation est une atteinte grave à nos besoins de liberté et d’espace vital. En accumulant nous nous empesons, nous nous ancrons dans le matériel, et nous tournons le dos au rêve, à la poésie, à la beauté de l’éphémère…
    Depuis quelques temps aux U.S.A, le mouvement “minimaliste”, fait beaucoup parler de lui, et crée un engouement, une sorte d’ouverture des consciences sur les dangers de l’accumulation et de la sur-consommation.
    Maintenant, si je dois acheter quelque chose, je réfléchis bien : puis-je me le procurer dans une médiathèque, une amie peut-elle me le prêter, est-ce vraiment utile, cela m’apporte-t-il de la joie ?
    Voilà. Un peu longue, mais très concernée 😉
    Bonne journée

    • 31 mai 2018
      Reply

      Bonjour, Corinne,

      Tu as bien raison d’agir comme tu le fais.

      Quant à moi, je parlais ici du bureau ou être est facile (encore que, peut-être en reparlerai-je) mais je n’ai pas la même facilité chez moi…

      C’est naturellement ta démarche qu’il faut suivre : au lieu de jeter, ne pas s’encombrer et se charger de choses inutiles en faisant tourner la machine industrielle folle…

      Bonne journée à toi.

  5. 2 juin 2018
    Reply

    La poubelle est une jouissance en effet, accompagnée du recyclage et de Emmaüs. Merci, Aldor !

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