L’endurcissement


Il y a, dans Le journal d’un curé de campagne, de Georges Bernanos, le passage suivant, qui me paraît être une bonne description de ce qu’est l’endurcissement :

“Je crois que, passé l’adolescence, peu de chrétiens se rendent coupables de confessions sacrilèges. Il est si facile de ne pas se confesser du tout ! Mais il y a pis. Il y a cette lente cristallisation, autour de la conscience, de menus mensonges, de subterfuges, d’équivoques. La carapace garde vaguement la forme de ce qu’elle recouvre, c’est tout. À force d’habitude, et avec le temps, les moins subtils finissent par se créer de toutes pièces un langage à eux, qui reste incroyablement abstrait. Ils ne cachent pas grand-chose, mais leur sournoise franchise ressemble à ces verres dépolis qui ne laissent passer qu’une lumière diffuse, où l’œil ne distingue rien.”

L’endurcissement, c’est cela. C’est une construction que nous avons faite en nous et qui nous permet d’agir mal ou méchamment, de parler mal ou méchamment, de nous comporter mal ou méchamment, tout en ayant bonne conscience, et donc sans se sentir soi-même détruit ou ravagé par la méchanceté qui émane de nous. Nous avons construit une carapace, comme dit le curé de campagne, empilé des couches d’opacité au dessus de la vérité et de la vie, si bien que nous ne voyons plus la réalité des choses, que nous ne savons même plus comment elle est car nous ne connaissons plus que l’image commode,  confortable, rassurante, que nous en avons formée.

L’endurcissement, c’est cela : non seulement se comporter mal (ce qui peut arriver), mais se comporter mal avec bonne conscience.


On aura reconnu, en introduction et conclusion musicales, You know I’m no good, d’Amy Winehouse (in “Back to Black”.).

Aldor Écrit par :

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