Last updated on 20 septembre 2018
Il y avait hier, dans le Parc de Bercy, un rassemblement – le festival Harajuku, ai-je depuis trouvé – d’amateurs de mangas et de Fantasy. Des stands où étaient vendus des objets, des accessoires, des albums, des dessins, et puis, se promenant dans le parc, parmi la verdure et les bassins, des personnes – jeunes le plus souvent mais depuis longtemps sorties de l’enfance et de l’adolescence – qui étaient déguisées, maquillées, grimées pour ressembler à certains personnages de cinéma, de mangas ou de ces récits de Fantasy qu’on trouve dans les livres ou dans les jeux en ligne.
La majorité de ces personnes jouaient un rôle et se comportaient comme telles : elles avaient revêtu un habit qui était déguisement, et derrière cet habit, elles demeuraient, avec leur quant à soi. Mais pour d’autres, les choses semblaient différentes. Ainsi en allait-il d’une jeune fille à qui je demandai si je pouvais la photographier, qui accepta et s’en montra reconnaissante. Pour elle au moins – mais j’en avais croisé d’autres – le déguisement n’était pas un oripeau de plus ; il était au contraire le moyen de se dévoiler, d’atteindre à une vérité de l’être que les conditions ordinaires de la vie ne lui permettaient pas d’atteindre : c’est en jouant ce rôle qu’elle était elle-même.
Je pensais, en la regardant s’épanouir tandis qu’elle redressait la taille pour prendre la pose, à cette série américaine que Sonia aime tant et que les enfants et moi, comme ceux de Katia, avions, pendant quelques mois, suivie avant de l’abandonner tant les dernières saisons étaient sans queue ni tête. Cette série : Once upon a time, raconte la vie de personnages de contes de fées qu’un sort a projeté dans la vie moderne, dans une petite ville des Etats-Unis d’aujourd’hui. Il y occupent des fonctions et des emplois de notre temps – qui infirmier, qui institutrice, qui commerçant, qui maire – mais gardent au fond d’eux-mêmes, sans bien en déceler la cause car la mémoire leur a été ravie, comme une nostalgie de ce qu’ils étaient – de ce qu’ils sont au fond d’eux-mêmes, de ce qu’ils sont vraiment.
Ainsi étaient certaines de ses personnes qui semblaient avoir trouvé, dans ces personnages bizarrement habillés, leur vraie personnalité.
Si grand est le poids, dans notre imaginaire, dans nos représentations, de des ces héros et personnages de mythes, de contes de fées et de romans qu’on peut se demander s’il n’y a pas, en eux, une vérité et une réalité plus grandes qu’on ne veut se l’avouer. Comme si la vérité était d’une certaine façon l’envers de ce que nous croyons qu’elle est, et le vrai rêve ce que nous croyons être un état de veille. Comme si nos smartphones, nos chaussures, nos cravates et les grands immeubles au milieu desquels nous passons notre existence étaient en fait un leurre, un jeu de rôle, et que la vérité était en fait dans ces personnages dont nous nous sentons si proches et dont l’exemple, parfois, nous guide.
En introduction et en conclusion musicales, Riverside, d’Agnes Obel, tiré de son album « Philarmonics ».
PS : en écho au commentaire d’Esther, voici le lien vers la rediffusion de l’émission que les Chemins de la connaissance avaient consacrée, en 2012, à la Psychanalyse des contes de fées, de Bruno Bettelheim.
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Comme le disait le grand William, nous sommes de l’étoffe dont on fait les songes… J’imagine que tu as lu la Psychanalyse des Contes de Fées de Bettelheim ? 🙂
Oui mais il y a très longtemps et ne m’en souviens plus bien. Qu’il parle de ce genre de choses, par exemple, je ne me le rappelais plus.
Elle est superbe, la citation de Shakespeare. Merci, Esther, de me la faire connaître.
Si tu as l’occasion de le lire, tu verras combien ce qu’il dit rejoint ce que tu écris ici. Quant à la citation de Shakespeare, la voici en VO : « We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep. » Ce qui donne grosso modo en français : « Nous sommes de l’étoffe dont on fait les songes, et notre petite vie est cernée de sommeil. »
Thank you so much !
Mais oui ! Quelque chose en moi attend patiemment d’atteindre le moment de la vie où je pourrai de nouveau cesser de prétendre n’être pas un de ces personnages. J’aime ta photo de cette jeune femme, et ce que tu dis d’elle. Je l’envie un peu. 🙂
Ah ! Qu’il est bon de découvrir qu’on n’est pas seul.
😉