« La matière est l’excroissance de l’amour »

Last updated on 25 septembre 2018


« La matière est l’excroissance de l’amour », a écrit Auguste Rodin dans un article déniché par Gavroche et relayé par Frog.

 

Je pense ne pas très bien comprendre ce que cela veut dire. Et de la vérité du propos, pourtant, je ne doute guère. La pensée de Rodin est celle qu’on retrouve dans l’idée de Tsimtsoum, dans la décréation chère à Simone Weil, l’idée encore qu’exprime François Cheng dans la première des Cinq méditations sur la beauté, que m’a offertes celle que j’aime, quand il parle du « Désir originel dont l’univers même semble procéder ».

La contraposée m’est plus accessible. Que sans amour il n’y ait rien, ou que le peu qu’il y ait finisse par disparaître, emporté par l’indifférence, l’usure et l’entropie, cela ne soulève en moi aucune question ; cela s’impose à mon esprit.

Sans amour pour le renouveler sans cesse, le régénérer sans cesse, lutter à chaque instant contre le laisser-aller, la paresse, la vieillesse, et la facilité ; sans amour pour remettre de la verticalité dans ce qui aurait sinon tendance à décroître et à s’effacer ; sans amour pour relier, tout en respectant l’altérité, ces îles que chacun d’entre nous formons, pour faire le premier pas en brisant le silence, pour éclairer le monde de notre sourire et de notre attention ; sans ces gestes sans cesse répétés d’amour et cette main toujours à nouveau tendue, le monde mourrait.

L’amour, c’est cet élan dans l’autre sens qui fait se rejoindre ce qui a été séparé, se disjoindre ce qui a été mêlé pour que la vie à nouveau jaillisse et que quelque chose d’autre advienne. C’est ce mouvement qui ne suit pas le mouvement, qui s’expose et se met en péril et qui, luttant contre l’inertie du monde, la fatigue des hommes, l’usure des choses , lui permet de renaître.


La photo a été prise à Porquerolles, le mois dernier. Une nuit, des personnes avaient posé ces longues pierres en équilibre sur un rocher et le spectacle, au matin, était presque miraculeux : la matière avait pris vie ; elle avait vaincu l’entropie et la gravité !

En introduction et conclusion musicales à mon propos, Meeting again, de Max Richter, tiré de l’album « Three worlds: Music from Woolf Works« . La musique, plus que tout, me paraît rendre ce sentiment de fragilité des choses qui rend nécessaire l’amour pour aider, à chaque instant, le monde à se recréer.


De la phrase de Rodin, Frog a tiré un magnifique poème en prose.


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5 Comments

  1. 23 septembre 2018
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    Vous sublimez les mots… merci 🙂

    • 24 septembre 2018
      Reply

      Ce sont les premier mots qui étaient sublimes.

      Merci de les avoir redécouverts.

  2. 24 septembre 2018
    Reply

    Pour avoir grandi dans une culture orale, où j’aimais écouter les contes à la tombée de la nuit, je me suis laissée emporter très loin par le son de votre voix, les pauses, l’articulation des mots à peine prononcés comme murmurés. Aujourd’hui encore j’apprécie beaucoup les livres audio.
    L’amour est véritablement à la base de tout, car il inspire la tendresse, la bienveillance, le souci de soi et des autres. C’est fou comme le monde passe son temps à lui courir après et en a pourtant si peur. C’est effrayant d’aimer et de laisser aimer, il y a toujours le risque de se laisser déborder. Si en plus on n’a pas été aimé, il devient d’autant plus difficile de se laisser abandonner à cette douce folie. Pas seulement dans le sens érotique du terme.
    Merci du partage.

    • 25 septembre 2018
      Reply

      Bonjour Monaminga,

      Oui, l’amour est à la base de tout quand on sait s’en laisser imprégner, quand on accepte de se laisser bousculer par lui. Et il ouvre au monde.

      Merci pour tes gentils mots.

  3. 26 septembre 2018
    Reply

    Je ne comprenais rien à ton billet au début, je me disais mais de quoi parle-t-il ? 😉
    Et puis tu as parlé d’amour et tout s’est éclairé. 🙂
    ¸¸.•¨• ☆

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