Habiter vraiment son rôle (ou sa fonction) est le seul moyen de lui donner vie et humanité, de lui ouvrir les chemins de la morale et du remords, et de lui permettre d’échapper à la fonction de rouage anonyme appliquant mécaniquement les consignes reçues.
Étiquette : rôle
Il y a, dans tout sentiment amoureux, l’ambition (la prétention ?), l’illusion peut-être, d’être celui ou celle par qui l’espérance, la joie et le salut se fraieront un chemin jusqu’au cœur de l’autre ; d’être le prince charmant dont les sentiments purs, l’amour vrai et le dévouement sauveront l’être aimé de son sommeil, du sort qui lui fut jeté, de ses peurs ; et lui permettront d’être enfin lui-même, d’être qui il ou elle est vraiment.
C’est toujours cette ambition un peu démesurée, un peu ridicule peut-être, d’être non pas la chose et son contraire mais la chose dans son entièreté, dans sa diversité, dans son épaisseur, sa gravité et sa légèreté, tout ensemble et pour le même prix : un homme ou une femme, tout simplement, pieds dans la terre et tête dans les étoiles.
Je me demande s’il n’y a pas, dans notre amour du maquillage, de la coiffure, de la scarification, du vêtement, de la mode, dans notre recherche continuelle de ces atours qui à la fois nous fondent et nous distinguent, le désir de pousser plus loin encore, serait-ce en le brouillant, ce jeu délicieux de l’habit et du moine, du rôle et de la reconnaissance.
Nous nous faisons ainsi nos propres censeurs, inhibés par une crainte le plus souvent irrationnelle, et forgeons de nos propres appréhensions la pierre d’angoisse sur laquelle nous finirons par trébucher.
Il est infiniment confortable de se conformer à un rôle, serait-il celui d’une crapule, d’un méchant ou d’un imbécile.
On croyait porter un masque, on croyait jouer un rôle, et puis il faut se rendre à l’évidence un jour : ce masque, c’est notre visage ; ce rôle, c’est nous-même.