Gouverner, dit-on, c’est prévoir. Mais ce qu’on redécouvre, dans les périodes comme celle que nous vivons, c’est que prévoir ne suffit pas, et que gouverner, c’est aussi gérer l’imprévu. En cela, gouverner n’est pas très différent de ce que devrait être – mais est si rarement – vivre.
Vivre, c’est à chaque instant décider de son avenir indépendamment de ce qui fut fait, indépendamment de ce que furent nos projets, nos rêves, nos plans sur la comète. C’est décider de son avenir en tenant compte de la seule chose qui vaille : ce qui est. Ce qui est et non pas ce qui aurait pu être, ce qui aurait dû être, ce que nous aurions aimé qu’il soit ; ce qui est et non pas autre chose.
Vivre, comme gouverner, c’est à chaque instant gérer l’imprévu. C’est faire effort – car c’est un véritable effort – pour ne pas rabâcher tous les scénarios que nous avions élaborés, qui étaient si jolis et si bien fagotés mais qui ne sont d’aucune utilité. Vivre, comme gouverner, c’est se détacher de ses rêves et de ses cauchemars pour se coltiner une réalité qui n’est jamais là où on l’attendait. Vivre, comme gouverner, c’est d’interdire de ressasser tous ses ressentiments, tous ses regrets, toutes ses colères pour n’être que dans l’action ; c’est se détacher du passé et s’oublier soi-même pour affronter – épouser plutôt – le flux impétueux du temps, et s’y plonger entièrement.
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J’aime bien que vous laissiez quelques traces de votre cheminement, et je retiens qu’avant de penser à épouser le temps, vous avez cherché à l’affronter. La tension est intacte et j’aurais bien de la peine à me ranger d’un côté plus que de l’autre. Car si la vie fait partie du flot et s’est s’y reconnaitre pour y puiser sa force, elle est aussi par définition ce qui s’en détache. Sinon, j’ai comme le pressentiment que vous la connaissez déjà, mais si ce n’est pas le cas, je vous suggère la lecture du livre de Elena Lasida « Le goût de l’autre : La crise, une chance pour réinventer le lien ».
Merci. R.
Et non : je ne la connais pas.
Tant de gens, dans « ce qui aurait dû être », « ce qu’il aurait fallu qu’il fût »… Et la question tout de même de savoir si s’oublier soi-même est grandeur ou lâcheté, ou plutôt, plutôt l’une ou plutôt l’autre, humilité, humiliation. Moi, je ne sais pas souvent.
Grandeur ou lâcheté. Tu vises au coeur de la cible, Très chère Frog.
Je vote Aldor ! :-)))
•.¸¸.•`•.¸¸☆
C’est gentil, Célestine mais heureusement, je ne me présente pas !
😉
Eh oui, c’est bien dommage…
Je lis ton texte ce soir, après avoir publié le mien cet après-midi. J’aime l’idée que nous partagions cette nécessité de l’oubli de soi-même au profit de la puissance de l’action. Quant à ce que Frog suggère de ce que cet oubli puisse comporter de grandeur ou de lâcheté, je n’y avais pas songé. Et cela me trouble.
C’est troublant, oui, ce que dit l’amie Frog : encore une de ces vibrations magiques qui rendent si proches, et parfois indiscernables l’humilité la plus totale et l’orgueil le plus fou.