Était hier soir diffusé un film : Latifa, le coeur au combat, qui fait un portrait de Latifa Ibn Ziaten, la mère de ce soldat qui fut assassiné en 2012 par un terroriste.
Ce soldat qui s’appelait Imad Ibn Ziaten et qui fut assassiné.
Comme Abel Chennouf fut assassiné.
Comme Mohamed Legouad fut assassiné.
Comme Jonathan Sandler fut assassiné.
Comme Gabriel Sandler fut assassiné.
Comme Aryeh Sandler fut assassiné.
Comme Myriam Monsonego fut assassinée.
Depuis, Fatila Ibn Ziaten fait le tour de la France et du monde pour prêcher la paix et le respect, et dénoncer (car c’est le même combat) l’amalgame, l’amalgame facile et destructeur.
La regardant et l’écoutant, je réalisais, une fois de plus, que nous connaissons tous le nom de l’assassin quand celui des victimes tombe dans l’oubli. Et c’est une chose terrible mais significative que cette asymétrie de la mémoire.
Il y a en nous comme une fascination du mal, un irrésistible vertige : cette force qui nous entraîne, malgré nous, vers la chute, la destruction, le néant ; une attirance du vide.
Quand nous ne veillons pas, quand nous ne faisons pas attention, quand nous nous laissons aller, quand nous ne sommes pas vigilants, nous retombons dans cette attraction, cette simple facilité du mal. Non que nous aimions le mal en soi mais parce qu’il est la plus grande pente, ce qui apparaît par défaut.
Comme si le mal n’était qu’un autre nom, une autre manifestation de l’entropie, de la toute bête entropie thermodynamique qui pousse le monde à la dissolution.
Cela me rappelle les propos de je-ne-sais plus quel rabbin cité par Martin Buber qui disait que le monde ne tient debout, ne se perpétue, que grâce à l’effort positif et incessant de ceux qui y diffusent l’amour, seule puissance capable de contrecarrer son lent épuisement, sa longue descente vers le néant, son effritement de château de sable.
L’amour, qui lui aussi meurt du simple fait de ne pas être nourri. Pas de la méchanceté mais du simple abandon.
C’est cela aussi, la Chute. Non pas notre attirance particulière pour le mal (Nous n’avons habituellement aucune attirance pour le mal !) mais le fait qu’il soit ce qui surgit, ce qui apparaît, ce qui émerge spontanément dans le laisser-aller : la marque du temps.
[…] ; il faut, pour cela, les entretenir, comme il faut aimer pour ne pas céder à la facilité, au vertige du mal.Il ne suffit donc pas – et c’est une prise de conscience redoutable – d’être soigneux, […]