Last updated on 3 novembre 2020
Même les choses, il faut les respecter.
Même les choses inanimées : les outils, les vêtements, les stylos, les enveloppes, il faut les respecter, et cela non seulement parce qu’elles incorporent du travail humain mais parce qu’elles sont là, au monde. Ces choses ne sont pas nos choses ; elles sont des choses qui sont au monde, comme nous.
Je peux, en effeuillant la salade, le faire n’importe comment, à la barbare comme on dit justement, ou le faire en tenant compte de la façon dont les feuilles sont attachées, de la structure de la plante, de ce qu’elle est ; je peux le faire de façon harmonieuse ou de façon désordonnée ; en étant attentif à ce que je fais ou en pensant à autre chose.
Cela ne change rien au sort de la salade (qui se fiche d’ailleurs complètement de la façon dont nous la découpons) ; cela change notre rapport au monde et la façon dont nous nous y insérons : avec grâce et fluidité dans un cas, comme un danseur épousant le mouvement des choses ; avec heurt et brutalité dans l’autre, comme un maître jouant de son fouet pour asservir le monde.
Ce respect donné aux choses n’est qu’une expression de l’attention que nous leur manifestons : nous traitons naturellement avec égards ce que nous traitons avec attention – ce pourquoi “avec attention” a les deux significations d’attentif et de soigné. Et il suffit, effectivement, de prêter attention aux choses pour les respecter.
Le consumérisme nous fait oublier le respect dû aux choses. Il nous incite à voir en tout des biens de consommation indéfiniment jetables et remplaçables et qui n’auraient, chacun, aucune valeur intrinsèque : cette machine n’est pas ma machine : elle est ma machine actuelle, qui succède à celle l’ayant précédée et précède celle qui la suivra. Elle n’est rien, sinon un avatar destiné à nourrir mon appétit féroce ; elle ne vaut rien, sinon son utilité.
Respecter les choses, même les plus insignifiantes, en les maniant avec délicatesse et attention, en les considérant chacune pour ce qu’elle est, c’est lutter contre cette réduction du monde à une ressource corvéable qui ne servirait qu’à satisfaire mon appétit insatiable, ma gloutonnerie, mon irrésistible volonté de puissance.
Respecter les choses, c’est prendre ma place, au sein du monde, sans prétendre être au-dessus de lui. C’est agir avec grâce, en dansant avec le monde.
Cela vaut pour les choses, les plantes, les animaux et les hommes.
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Tu as une très jolie façon d’être au monde, Aldor.
Et je m’inscris dans la même démarche.
Bises vespérales
•.¸¸.•`•.¸¸☆
Merci Célestine !
En total accord avec vous. Je me sens moins seule 🙂 C’est tout à fait dans ma ligne de pensées et de gestes. Une mise en valeur de tout ce qui nous entoure, une attention particulière au gens, aux choses, à la vie animée et inanimée.
Belle semaine et merci pour ce texte qui fait du bien.
A bientôt !
Mais non Dominique : nous ne sommes pas seuls ! Et puis on peut évoluer : je n’ai pas été toujours ainsi (et je ne le suis pas a chaque instant non plus, à vrai dire) ; quelqu’un m’a appris.
🙂 c’est pareil pour moi. Le quotidien, la précipitation, l’humeur. Beaucoup de choses font office de variateur gestuel…
Comme j’aime cette façon de voir les choses avec respect et délicatesse ! Et en effet si nous regardons les choses, les objets ainsi il en va de même pour les animaux, la nature et les humains. C’est une philosophie que je partage. Merci Aldor.
Merci Catherine.
[…] redoutable – d’être soigneux, poli et propre sur soi ; il ne suffit pas d’être délicat et, comme j’en parlais l’autre jour, respectueux. Face au grand flux de l’entropie, le respect ne suffit pas ; il faut agir, se […]