« Ça m’a gonflée« , s’exclamait l’autre jour au téléphone, très irritée, une jeune fille que je croisais dans la rue.
« Gonflée« , disait-elle, et elle soupirait, exhalant toute sa colère dans son souffle.
Bien qu’on me l’ait dit et répété de nombreuses fois, j’ai redécouvert à ce moment l’extraordinaire pneumatisme des humeurs et admiré la capacité de la langue française à faire ressortir l’importance psychologique de la respiration, le lien étroit entre le souffle et notre présence au monde.
Inspirer, expirer, mais surtout être gonflé et souffler, avec ce fait contre-intuitif qu’en inspirant on se bloque, et que c’est dans l’expiration, le souffle, le soupir, que viennent la détente, le calme, le repos.
Inspirer, c’est capter, saisir, emmagasiner l’oxygène nécessaire à la vie ; et nous portons tous en nous cette terreur de l’asphyxie, de ces moments de détresse totale durant lesquels nous pourrions manquer de ce gaz essentiel, vital.
C’est parce que notre pire crainte est de manquer d’air que le signe le plus indiscutable de la confiance, du calme, du relâchement, est d’accepter de s’en défaire. En soufflant, en vidant ses poumons de cette substance si précieuse, on se dépouille, on se dénude, on se livre à l’avenir.
Dans le péril, dans la colère, dans l’épreuve, nous nous gorgeons d’air, nous nous gonflons, et ce n’est qu’à leur issue, une fois la difficulté surmontée, que nous nous autorisons à souffler.
Et cela jusqu’à la fin, jusqu’à ce dernier souffle, cette dernière expiration au terme de laquelle justement, ayant rendu notre dernier souffle, on expire.
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