J’étais hier à la galerie d’anatomie comparée du Museum d’histoire naturelle, cet immense espace où sont rassemblés des milliers de squelettes d’hommes, de chevaux, de baleines, de singes, de pélicans, d’êtres vivants de toute sorte ainsi que des cerveaux, des poumons, des coeurs plongés dans du formol.
À ce spectacle, je pensais à ce post un peu stupide qu’on voit régulièrement relayé sur les réseaux sociaux et qui montre, alignés, quelques squelettes humains présentés comme ceux (j’invente) d’un Italien, d’un Ougandais, d’un Péruvien et d’un Tibétain. Tous semblables, tous égaux, nous susurre-t-on stupidement – stupidement non pas parce que l’affirmation serait fausse mais parce que ça n’est évidemment pas parce que ce qu’il reste de nous après la mort est identique que nous sommes semblables dans la vie ; l’argument ne vaut rien.
Je pensais à cela tandis que j’errais dans ce grand hall rempli de squelettes de toute origine et de toute taille, ces assemblages fragiles où se ressemblent, dans la même blancheur osseuse, le loup et l’agneau, le lion et l’antilope, la victime et le tyran.
A l’aune de nos squelettes, nous sommes tous semblables ; mais cela ne dit rien de ce que nous fûmes vraiment, ne dit rien de ce qui, en chacun d’entre nous, en chaque être vivant, est irréductiblement singulier.
Actuellement (et cette lecture explique cette visite), je lis Buffon. Et plus précisément, dans L’Histoire naturelle de l’homme, le chapitre consacré aux « Variétés dans l’espèce humaine ». Et ici, c’est le contraire : Buffon, se fondant sur son expérience mais surtout sur ses lectures de récits de voyageurs, décrit les différences de mœurs et d’apparence existant entre les hommes et les femmes des différentes contrées : couleur de peau, taille, forme du nez, embonpoint, coiffure habillement, habitations, relations entre hommes et femmes. Et il cherche et analyse tellement les différences qu’il en vient à oublier l’humanité commune. D’où un grand mépris et surtout un grand désintérêt à l’égard de modes de vie qu’il n’essaie pas de comprendre, se contentant de dénoncer leur grossièreté.
Aucune des deux démarches : celle qui ne s’attache qu’aux similarités et celle qui ne voit que les différences, ne suffit à rendre compte du simul et singulis dont l’humanité, comme le vivant en général, est fait. Le Museum d’histoire naturelle, comme le Musée de l’homme, son frère, est né de la prise de conscience de la complémentarité de ces deux approches, de ces deux regards.
Chacun d’entre-nous a en lui ces deux regards. Mais de façon souvent inégale. Certains esprits excellent dans l’analyse ; d’autres plus dans l’analogie et la synthèse. Je suis de ceux-ci, Katia de ceux-là. De la confrontation des deux peut sortir la lumière.
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C’est vrai : rien n’est ni tout noir ni tout blanc. Ce qui est d’ailleurs une expression assez cocasse quand il s’agit de parler, entre autres, de couleurs de peaux… mais je te trouve un peu sévère avec les partisans de l’égalité : est-il si stupide de pilonner, de marteler, même maladroitement, que nos différences ne doivent pas faire oublier nos points communs, dont le principal est que nous sommes tous égaux devant la mort et son mystère ?
L’argument des squelettes n’est pas stupide, ni celui des groupes sanguins, souvent utilisé aussi. Tout ce qui peut faire avancer l’humanité vers la solidarité est respectable. Mais ce n’est que mon avis.
Bisous Aldor
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Bonjour Célestine,
Ce n’est pas avec les partisans de l’égalité, et encore moins avec l’égalité, que je suis sévère, mais avec l’argument du squelette, quand il est employé seul alors qu’il ne signifie pas grand-chose : oui, nous avons tous le même substrat osseux mais ce n’est pas en cela que réside l’essentiel, ni l’essentiel de notre égalité.
Bises, Célestine.
Ah d’accord, je comprends mieux…
Merci pour cette précision.
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