Faire son cinéma

Je ne puis, comme ce matin, raser (mal, d’ailleurs) une barbe de quelques jours sans me prendre pour Moïse ayant vu le buisson ardent, ni sortir de l’eau, à la plage, sans m’imaginer être Honey Ryder.

Ceux qui me connaissent savent pourtant qu’en dépit de nombreux points communs (n’ai-je pas, moi aussi, deux yeux, un nez, une bouche ?), je ne suis ni tout à fait Charlton Heston, ni tout à fait Ursula Andress. Et en dépit de ma vanité, que connaissent aussi ceux qui me connaissent, j’en ai bien conscience.

Je ne puis pourtant m’empêcher, le rasoir à la main, de me croire investi des Dix commandements (même si, au fond, je ne suis pas certain que ce soit Moïse qui se rase ; peut-être est-ce plutôt Kirk Douglas en Spartacus, ou Charlton Heston, mais en Ben Hur), ni, sortant des eaux turquoise de Notre-Dame, de me représenter, radieux, en bikini.

Telle est la force des images du cinéma qu’elles s’imposent à moi, comme s’imposent les traits de caractère, les façons de faire, les modes de penser des grands personnages de la littérature, la geste des grands mythes et les scènes de certains tableaux.

Les meilleurs d’entre nous ont, à la force de leur imagination et de leur talent, bâti un monde imaginaire qui se superpose au monde réel, l’enrichissant de couleurs, de sens et de connotations multiples. C’est dans cette superstructure chatoyante et remplie d’émotions que nous passons l’essentiel de notre vie, tout autant si ce n’est plus que dans le monde réel.

C’est dans ce Pays imaginaire que, semblables à Peter Pan, nous vivons, faisant notre cinéma et y prenant un immense plaisir.

Peut-être est-ce en cela, et en cela seulement que nous nous distinguons des autres animaux.

Aldor Écrit par :

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