Qu’est-ce que contester la Shoah ?

Contrôle d’identité dans les rues de Paris par la police française, août 1941
Archives Photos de Yad Vashem (4520/92)

Lors d’une émission télévisée diffusée le 21 octobre 2019, Eric Zemmour a déclaré :”Pétain a sauvé les juifs français” (ou peut-être des juifs français). Attaqué pour cette déclaration devant le tribunal correctionnel, Eric Zemmour a été relaxé par jugement du 4 février 2021. Cette relaxe ayant été attaquée devant la Cour d’appel, celle-ci a réinstruit le dossier et a prononcé une nouvelle relaxe le 12 mai 2022. C’est cette nouvelle relaxe qui a été cassée, le 5 septembre, par décision de la Cour de cassation qui demande donc à la Cour d’appel de rejuger Éric Zemmour.

La Cour d’appel va donc une nouvelle fois devoir trancher la question de savoir si la déclaration d’Eric Zemmour selon laquelle “Pétain a sauvé les juifs français” est, ou non, une contestation de crime contre l’humanité.

Il ne s’agit donc ni de juger la politique de l’Etat français, ni de juger Philippe Pétain, ni, bien sûr (mais ça va mieux en le rappelant), de juger Eric Zemmour ; il s’agit seulement de savoir si déclarer que “Pétain a sauvé les juifs français” constitue, ou non, une contestation de crime contre l’humanité, étant entendue que cette contestation, telle que définie à l’article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse, “peut consister à minorer le crime ou à le banaliser de façon outrancière.”.

L’Etat français instauré le 10 juillet 1940 fut un régime xénophobe et antisémite qui promulgua et mit en œuvre, indépendamment de toute demande de l’Allemagne nazie, des lois, réglementations et mesures hostiles aux juifs, aux étrangers et aux juifs étrangers. L’une des premières lois de ce régime, promulguée dès le 22 juillet 1940, eut d’ailleurs pour objet la révision des naturalisations accordées depuis 1927 et eut pour effet de priver de la nationalité française un peu plus de 15 000 personnes, parmi lesquelles, probablement, plus de 6000 juifs qui, rendus ainsi apatrides, perdirent toute protection.

Jusqu’en 1943 en effet, les juifs français subissent l’antisémitisme quotidien et les mesures d’exclusion du régime de Vichy ; mais ce sont plutôt les juifs étrangers (et leurs enfants, qui, eux, sont souvent francais) qui sont ciblés dans les arrestations ou les rafles, aussi bien en zone occupée qu’en zone libre.

Cette relative protection disparaît cependant totalement à partir de l’été 1943 ; elle n’est évidemment d’aucun effet sur les personnes, notamment des enfants, que le régime a délibérément choisi de dénaturaliser alors qu’elles étaient françaises ; et la portée de cet effet protecteur est très probablement bien moindre que l’efficacité accrue donnée aux rafles, aux recherches et aux arrestations par la participation directe au processus de la police, de la gendarmerie et de tout l’appareil d’État.

Il est donc à tout le moins très contestable et probablement faux que le régime de Vichy ait sauvé les ou des juifs français. Le contraire est probablement plus vrai.

Là n’est cependant pas la question. La question aujourd’hui posée est celle de savoir si le fait de déclarer que Pétain a sauvé les juifs français constitue, ou non, une contestation, minoration ou “banalisation de façon outrancière” du génocide des juifs perpétré par le régime nazi ; si cela relève ou non, puisque cela a également été dit, d’une sorte de négationnisme.

Eh bien, même dans l’acception élargie retenue par la loi, je ne vois pas en quoi les déclarations litigieuses d’Eric Zemmour pourraient être considérées comme contestant le génocide des juifs perpétré pendant la Seconde guerre mondiale.

Le délit de contestation de crime contre l’humanité n’a pas été inscrit dans la loi pour servir des causes partisanes.

Aldor Écrit par :

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