Faire le Malin

Très souvent (mais pas toujours, bien sûr ; comment notre liberté s’exercerait-elle, sinon ?), qui veut se faire l’avocat du diable devient son porte-parole.

On cherchait, et cela part d’un bon sentiment, à faire preuve d’empathie et à se mettre dans la peau, la pensée, l’état d’esprit, le point de vue de celle ou celui que tout désigne à la vindicte. C’est le plus souvent justifié car la réalité est palimpseste et multicouche, épaisse et poisseuse comme un chamallow ou comme ce goudron dont est recouverte, dans le conte, la mauvaise fille de Dame Hollé – qui elle non plus n’a pas compris que, dans l’action, l’important est souvent dans l’intention.

Mais vient un moment où, à cet effort empathique et altruiste, à cet effort de dépassement de la surface des choses et d’instruction des profondeurs, d’introspection parfois, se mêle insidieusement autre chose : non pas seulement le désir d’être équitable et compréhensif mais l’envie de jouer sa partie, de marquer sa différence et son intelligence, de faire le malin, comme le dit très justement la langue française.

On veut faire le malin et, à ce moment là, du seul fait du changement d’intention, on oublie la poursuite de la vérité pour simplement chercher la distinction. Et alors qu’on était au départ guidé par la faim de justesse et de justice, on en vient à défendre l’irrémédiablement indéfendable pour signifier qu’on est là, jouer sa partition et faire l’esprit fort. Mais ayant ainsi voulu faire le malin, c’est le Malin qu’on fait.

Et quelque part dans les enfers, le Malin se frotte les mains. Car il a, une nouvelle fois, réussi à brouiller les cartes, à salir pour des années la cause qu’on voulait défendre et à rejeter dans le silence les femmes et les hommes de bonne volonté.

Aldor Écrit par :

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