Énergie

Last updated on 27 septembre 2024

Danse sur l’hymne à Apollon de Pindare
(c) Compagnie Démodocos et Atelier Chœur et théâtre antiques de Sorbonne Université,
20 septembre 2024

Quand il est en bonne santé, un être humain peut développer, sur la durée d’une journée de travail, une puissance continue de 100 watts (Beaucoup plus pour les athlètes, mais sur une durée plus courte). En s’aidant de la force des animaux, du vent, des rivières et de la chaleur du soleil, il peut disposer d’une puissance de 500 watts, et c’est avec elle que, jusqu’à la révolution industrielle, il se débrouilla, qu’il bâtit les pyramides et le château de Versailles, que Shakespeare composa ses pièces et Pindare ses odes.

L’utilisation des énergies fossiles change les choses du tout au tout : avec elles,  la puissance disponible explose, ce qui permet de développer des usages extrêmement énergivores : un grille-pain consomme 1 500 watts, chaque voyageur de TGV une puissance de 12 000 watts, chaque passager d’un avion volant à 900 km/h une puissance de 300 000 watts (la force cumulée de 3 000 humains).

A Normale Sup, ce vendredi soir, on jouait et parlait énergie. Plein de manifestations dont je n’ai vu que deux : une ode de Pindare dansée et scandée, et Raphaël Ménard présentant l’histoire de l’énergie, les énergies légères et l’immense changement apporté par les énergies fossiles. La confrontation des deux prestations était saisissante : l’explosion de la puissance disponible à partir du XVIIIe siècle permet des réalisations qui, jusqu’alors, auraient paru impossibles. Mais elle n’est pas un préalable à la capacité créative de l’être humain, non plus d’ailleurs qu’à la force créatrice de la vie, toutes deux la précédant et la rendant possible. Pas besoin de pétrole, d’uranium ou d’éoliennes pour que naissent des baleines, croissent des séquoias et dansent des jeunes filles et des jeunes gens sur des strophes de Pindare.

Peut-être ce que j’écris ici est-il une évidence mais ce qui m’a frappé à la juxtaposition des deux événements, c’est qu’aussi gigantesques qu’aient été les progrès techniques permis par la croissance de la consommation énergétique, les fondamentaux, comme l’expansion des humains sur le globe ou leur  capacité à imaginer, à rêver, à créer des mythes et des œuvres, des danses et des odes, étaient là avant et ne dépendent pas de la consommation énergétique du système. Notre capacité à voguer vers les étoiles est liée à notre consommation énergétique, mais non notre capacité à l’imaginer, qui préexiste.

Il y a dans cette déconnexion quelque chose qui sans forcément violer les lois de la thermodynamique et de conservation de la matière, apporte du trouble : les êtres vivants sont ces créatures en qui s’opère la transmutation de la matière en énergie, de l’énergie en la matière, et de l’une et de l’autre en idées. Et cette capacité créatrice est illimitée, indépendante des ressources effectivement disponibles.

Cette immensité de l’imaginaire nous voile les limites écologiques de notre monde.


Du côté des puissances produites, un moteur de voiture thermique, c’est aux alentours de 100 000 watts, une grande éolienne marine, c’est 15 000 000 watts, un réacteur EPR, c’est 1 600 000 000 watts (la force cumulée de 16 millions d’êtres humains).

La véritable limite n’est pas le caractère limité des ressources ; ce sont les dégâts environnementaux irrémédiables et gigantesques que l’exploitation de ces ressources naturelles provoque.

Retour à la consommation : à la pointe hivernale (la soirée de l’hiver où la consommation est la plus élevée parce que les usines tournent, les bureaux sont occupés, les lumières sont allumées et le chauffage est activé), la puissance électrique (seulement électrique) appelée en France a atteint, au début des années 2010 (depuis elle a un peu baissé, du fait des efforts de sobriété et surtout de la désindustrialisation), a atteint et même dépassé 100 GW, soit 100 000 000 000 watts, c’est-à-dire l’équivalent de la force d’un milliard de personnes.


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