Hier matin, de part et d’autre du pont Alexandre III et dans toutes les rues adjacentes, puis hier soir dans les allées séparant la pyramide du Louvre de l’arc de triomphe du Carrousel, un long serpent, une litanie de voitures noires, de longues et larges voitures identiquement Mercedes, collées les unes aux autres et attendant leur maîtresse ou leur maître tandis que le chauffeur (je n’ai pas vu de conductrice) se repose au volant ou en grille une, seul ou avec deux ou trois de ses collègues, debout sur le trottoir ou la chaussée, n’osant s’adosser à la carrosserie rutilante, à ce miroir sombre où nulle tache, nul défaut ne se voit.
Il y a quelques-uns de ces véhicules un peu cubiques faits pour transporter six ou sept membres du menu fretin mais ce sont pour l’essentiel de grosses berlines et limousines, ces voitures à gros moteur thermique, à large empattement, à calandre luxueuse, héritières, dans leur robe de jésuite, de toutes ces générations d’automobiles qui, depuis les années 1930, partout sur la planète, symbolisent l’argent, le pouvoir, la puissance et le conformisme. Elles sont là, moteur éteint, étalant leur monophormisme, leur monochromie, leur monotonie, leur dignité de corbillard.
Ne serait-ce la tristesse et l’uniformité de leurs atours, leur allure de croque-mort, on pourrait se croire revenus au début du siècle dernier, quand les cochers des demi-puissants et des demi-mondaines se retrouvaient, à Passy ou Auteuil, tandis que leur maître et maîtresse se pavanaient dans les allées du Bois. Mais il y a moins de couleurs et moins de gaieté, et finalement moins d’élégance. Il s’agit pourtant, ai-je compris, du final de la Fashion week. C’est pour déplacer de quelques centaines de mètres, d’un défilé à l’autre, quelques centaines de peoples, pour célébrer, avec la sévérité et l’entre-soi qu’il convient les funérailles de la fête de la mode qu’ont été mobilisés ces gros machins couleur de suie, ces hannetons aux couleurs de deuil.
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