
Une jeune philosophe, que j’aime bien au demeurant, ajoute, à la fin d’un post fait pour rappeler une conférence qu’elle donne bientôt (aujourd’hui d’ailleurs) dans une grande salle parisienne ; ajoute les mots : « Quelques places encore disponibles ».
C’est amusant, cette tendance à jouer le bateleur, le Monsieur Loyal des cirques d’antan, cette manière que nous avons tous plus ou moins de vouloir attirer le chaland en faisant miroiter la rareté de la chose, alors même que, si elle était vraiment rare, il serait inutile de la promouvoir ainsi ; cette façon de ne pas dire, comme il serait plus direct de le faire : « Venez nombreux » ou : « J’espère que nous serons nombreux », et de préférer, à cet aveu sincère mais qui nous met en position de demandeur, cette formule impersonnelle, qui oblitère le désir (pourtant tout à fait légitime) que nous avons, nous, l’artiste, que la salle soit comble, et qui, sous couvert d’objectivité (quoi de plus objectif que des places réservées ou encore disponibles ?), opère un tour de passe-passe et met le spectateur, qui au début ne faisait que passer par là, dans la position de quémandeur, un peu comme dans les Soldes : « Dépêchez vous : il n’y en aura pas pour tout le monde ! »
On a tellement de mal à avouer, et même parfois à reconnaître sa faiblesse, son désir, son besoin des autres, sa dépendance. Et on est surtout tellement instruit par la vie, l’expérience et la petite connaissance qu’on acquiert peu à peu de nous-mêmes ; tellement convaincu de la vérité, de la véracité, plutôt, du terrible aphorisme qui dit : « Tu me fuis, je te suis ; tu me suis, je te fuis. » ; tellement convaincu de cela que son application, qui pourtant au fond nous répugne, nous devient comme une deuxième nature.
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