
© SWR/Top Hat Productions
Les soutiens indéfectibles de l’État d’Israël (plus que les Israéliens eux-mêmes) soulignent à juste titre qu’on est toujours plus sensibles et prompts à dénoncer les crimes commis par cet État que ceux, semblables et innombrables pourtant, commis ailleurs par d’autres. Ils ont absolument raison. Mais cet argument ne vaut évidement rien sur le fond : ce n’est pas parce qu’il y a pire ou pareil ailleurs que les crimes qu’on commet deviennent légitimes.
Les soutiens indéfectibles de l’État d’Israël (plus que les Israéliens eux-mêmes) rappellent qu’il y a encore des otages à Gaza et que ce qui s’y passe aujourd’hui ne serait pas arrivé sans le massacre du 7 octobre 2023. Pour les otages, ils ont absolument raison ; pour le lien entre la situation actuelle et le 7 octobre, j’ai des doutes : ce qui se passe depuis des mois à Gaza n’a plus rien à voir avec la recherche et la mise hors d’état de nuire des responsables de l’attaque du 7 octobre : c’est une guerre de vengeance, une punition collective menée contre une population civile, la destruction systématique d’une ville et de ses infrastructures essentielles : hôpitaux, universités, écoles, immeubles, routes ; l’organisation volontaire d’un espace inhabitable.
Les soutiens indéfectibles de l’État d’Israël (plus que les Israéliens eux-mêmes) jugent déplacées et scandaleuses les comparaisons qui sont parfois faites entre le sort réservé par l’armée israélienne à la population civile de Gaza et celui réservé, en d’autres temps et d’autres lieux, par d’autres armées, à d’autres populations civiles. Et pourtant : à quoi ce siège mené durant des mois, ces bombardements quotidiens, cette destruction systématique des habitations qui oblige les habitants à se regrouper dans des zones de plus en plus réduites et des camps surpeuplés, dans des conditions de plus en plus indignes ; à quoi ces 50 000 morts dont tellement, tellement d’enfants qui ne sauraient être coupables de rien ; à quoi ce rationnement de l’eau, de la nourriture et des médicaments qui conduit à la famine, au pillage, à la détresse ; à quoi cette façon de confier des pouvoirs de police officieuse à des brutes et des gangs de mafieux ; à quoi cette rage d’anéantissement de tout ce qui avait été construit, cette ivresse du terraformage et de la table rase ; à quoi cette humiliation permanente, cette jouissance du maître faisant claquer son fouet devant l’esclave réduit à merci ; à quoi cette construction systématique d’un chaos des lieux, des vies, des esprits et des âmes ; à quoi fait-elle penser, sinon à certaines des heures les plus sombres, les plus tristes, les plus désespérantes de l’histoire humaine ?
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