
Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis mais plus encore depuis quelques semaines, une sorte de délire s’est emparé des dirigeants du monde entier, qui multiplient les déclarations et les actions les plus étonnantes, les plus saugrenues, les plus irrationnelles, parfois, le plus extraordinaire étant que ce flot ininterrompu de décisions et actes abracadabrants finit par faire tourner les têtes, trouver une sorte d’efficacité et entraîner ainsi le monde entier dans une sorte de mal des ardents ou de danse de Saint-Guy, une hallucination collective rappelant ce que la revue Le Grand Continent (ai-je déjà dit que c’était une excellente revue ?) et Jianwei Xun (voir plus bas) ont appelé Hypnocratie.
On a pu voir l’Iran déclarer qu’il avait gagné la guerre, les États-Unis autoriser la Chine à importer du pétrole iranien comme si cela était de son ressort, Israël continuer à anéantir Gaza, ghettoïser et massacrer ses habitants sans que personne ne moufte, l’Union européenne accepter sans broncher les mesures unilatérale prises à son encontre par les États-Unis, l’Assemblée nationale adopter des amendements extravagants sur des lois énergétiques, les partenaires sociaux se raidir sur un refus suicidaire de remettre en cause l’âge légal de la retraite, divers États annuler ou ajourner sine die les dispositions qui avaient été prises pour lutter contre le réchauffement climatique, tout cela dans une ambiance de plus en plus folle, illustrant chaque jour un peu plus le dicton au gré duquel, quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites.
Les propos les plus ridicules et les plus évidemment mensongers peuvent être prononcés sans que nul n’ose les démentir, la légion des promesses non tenues et des rodomontades étant chaque jour recouverte de nouveaux propos venant chasser et faire oublier les anciens : qui se souvient encore de la paix en Ukraine que Donald Trump, pendant la campagne électorale et en début de mandat, avait (par 53 fois, selon le décompte de CNN) promis d’établir « en 24 heures » ?
Le plus incroyable est qu’en dépit de tout, cela fonctionne. On pourrait croire qu’à force de sortir absurdités et insanités, on percute bientôt le mur de la réalité et se cogne à la nécessité du dégrisement ; mais non : l’hébétude causée par ce flux intarissable de déclarations loufoques est si grande, si totale, qu’on finit par perdre le sens des réalités et à accorder foi, crédit et même efficacité à ce qui, en d’autres temps, aurait provoqué éclat de rire ou haussement d’épaules. En multipliant les propos hallucinés au rythme d’une mitraillette, Donald Trump finit par halluciner le monde, le convaincre d’une sorte de pouvoir magique, et, ce faisant, y accède réellement, par la vertu performative de ses paroles insensées. On se croirait dans un roman de Philip K. Dick, dans un monde où la réalité obéit à la fiction.
Là est le lien entre hypnocratie et IA génératives : d’un côté, une réalité politique et stratégique sort de propos et d’actes erratiques ; de l’autre, du sens surgit de la juxtaposition statistique de mots incompris.
Jianwei Xun, auteur prétendu du concept d’hypnocratie, est un personnage fictif né des échanges entre le philosophe italien Andrea Colamedici et des intelligences artificielles génératives.
En illustration sonore, derrière ma voix, Kontra-Punkte (Contrepoints) de Karlheinz Stockhausen, compositeur dont les œuvres m’ont toujours paru être une représentation musicale du chaos.
Comme sa légende l’indique, l’illustration de tête est la mise en couleurs et en beauté (par une IA de Samsung) d’un croquis fait au stylet. Il figure ci-dessous :

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Bravo, Aldor. Une douce et souriante journée à toi.
Merci Gilles ! Et bonne soirée !