
Il y a un mauvais procès fait aux IA génératives et autres LLM, celui consistant à dire qu’elles ne créent pas parce qu’elles réemploient des éléments déjà existants.
Attention : je ne dis pas ici que les IA génératives créent (c’est là une question difficile sur laquelle mon opinion n’est pas, aujourd’hui, totalement formée) : ce que je dis, c’est que ce n’est pas parce qu’on réemploie des choses déjà existantes (des idées, des pensées, des patterns, des mélodies, des rythmes, des techniques, des sujets, des paroles, des mots, des formes, des créations quelles qu’elles soient) ; ce n’est pas parce qu’on réemploie des choses déjà existantes qu’on ne crée pas.
Même quand il est totalement naturel ou totalement humain, le processus de création est intrinsèquement fait de réemploi, de recombinaison, de copie, de de reproduction, de réinterprétation. Il doit exister, dans la totalité du champ scientifique, technique ou artistique, quelques créations pures, ex nihilo, mais la très grande majorité des œuvres, inventions et créations s’inspire d’autres œuvres, d’autres inventions, d’autres créations, ce qui ne retire rien à leur intérêt, à leur qualité, à la créativité et au talent de leur auteur.e.
Nos créations sont très souvent des re-créations, et cela non pas toujours par paresse ou baisse tendancielle de l’inventivité mais parce la création et l’imagination sont en partie cumulatives, peut-être exponentielles, qu’elles se nourrissent et s’accroissent du terreau des créations et inventions antérieures : c’est dans le frottement, la comparaison, la combinaison, le détournement, la destruction et parfois même la seule compilation du vieux que, depuis toujours, nous inventons le neuf.
Qu’on lise les romans, les contes et les pièces de théâtre, qu’on regarde les tableaux et les statues, qu’on écoute les chansons, qu’on aille voir les films : nos œuvres les plus originales et les plus créatives sont des réinterprétations, des revisitations, des remakes d’œuvres déjà créées et qui renaissent indéfiniment dans ce processus continu de reprise et d’imitation, de régénération. C’est particulièrement évident pour ces centaines de représentations de mythes ou d’épisodes bibliques qui traversent le théâtre, la peinture, la poésie, le cinéma occidentals, mais aussi pour la philosophie, les mathématiques, la technique, qui évoluent et progressent en s’appuyant sur et en retravaillant ce qui fut fait.
C’est pourquoi l’idée, un peu toute faite, un peu facile, un peu paresseuse, selon laquelle les IA génératives ne seraient pas créatives parce qu’elles pomperaient des œuvres déjà existantes ne me convainc pas, et m’étonne quand elle vient de créateurs qui doivent pourtant bien savoir que leurs œuvres ne sortent pas tout armées de leur tête, comme Athéna de celle de Zeus.
Derrière ma lecture, en accompagnement et illustration musicale de mon propos, Wish You Were Here, des Pink Floyd (Roger Waters et David Gilmour), dans la très belle réinterprétation, re-création, des Birds on a Wire (Rosemary Standley et Dom La Nena).
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