Lorsqu’on a, pendant longtemps, essayé de convaincre une personne, de la sensibiliser à quelque chose, de lui faire partager une émotion, et qu’on est apparemment allé d’échec en echec, on peut être tenté d’arrêter ses efforts, de ne plus essayer, d’abandonner. Plusieurs expressions existent à ce propos : abandonner, laisser tomber, jeter l’éponge.
Jeter l’éponge, c’est manifester son découragement : on a essayé, mais rien n’y fait. Et mille mauvaises raisons peuvent nous inciter à écouter la voix du découragement, à suivre le chemin qu’elle trace et à laisser-faire, laisser-aller, en nous en lavant les mains, comme Ponce-Pilate : après tout, c’est sa vie, ce sont ses affaires, ses problèmes, et pas les nôtres.
Mais, outre le fait qu’en vérité, “ses” affaires sont souvent les nôtres – et c’est pourquoi elles nous touchent de si près, et de façon si aiguë – nous sentons bien au fond de nous que laisser tomber est une sorte de trahison. Trahison de la vérité, trahison de cette personne, trahison de la relation que nous avons avec elle, trahison de l’amour, quel qu’il soit, et finalement : trahison de nous-même.
Jeter l’éponge, c’est considérer que, finalement, nous ne sommes pas engagés dans cette affaire, que cela ne nous concerne pas, que cela relève de la pure altérité. C’est rejeter la personne dans le tout autre, la traiter avec indifférence, qui est probablement le contraire absolu de l’amour – ou plutôt son absence absolue.
Et c’est pourquoi jeter l’éponge nous laisse un si mauvais goût, celui de l’abandon de poste, du manquement aux autres et donc à soi-même : c’est comme couper les branches et les racines qui nous relient les uns aux autres, comme un déracinement. Et c’est aussi le goût de l’irrémédiable.
Tel est l’objet de l’improvisation enregistrée de ce jour.
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Je pense que les mots que nous aurons dits à cette personne, même si nous avons l’impression qu’ils ne la touchent pas, resurgiront à un moment donné de sa vie, même si c’est longtemps après, peu importe. Elle se dira : ah oui, je comprends ce qu’il voulait me dire, je comprends enfin !