Ma fille ayant été invitée à réfléchir au rôle du valet dans la comédie, je repensais à cette phrase de Goethe qui écrit quelque part qu’il n’y pas de héros pour son valet de chambre.
J’avais toujours compris cette phrase comme signifiant que le valet est tellement habitué à repriser les chaussettes et repasser les chemises de son maître qu’il sait que, derrière le héros, est un homme comme les autres, faible et plein de défauts comme les autres. Le valet sait que la vérité du héros est son humanité.
Mais m’étant un peu documenté, je m’aperçois que cette interprétation est celle de Tolstoï mais non celle de Goethe, ou de Hegel. Pour Goethe et Hegel, le valet est vil, son âme est vile, et c’est pourquoi il ne voit que les slips sales et les chaussettes à repriser : il est tout simplement incapable, dans sa position et sa fonction, d’appréhender et de reconnaître la grandeur. Il ne perçoit que ce qui lui est perceptible, comme les hommes de la caverne de Platon ne peuvent percevoir que les ombres de la réalité, faute de savoir affronter la lumière de la vérité.
Et comme à chaque fois qu’on parle de choses vraiment intéressantes, j’aperçois cette vibration des réalités et des idées au gré de laquelle chaque chose peut instantanément se retourner en son contraire : le maître du valet est un héros. Mais il est aussi un homme. La valet a raison d’y reconnaître un homme, avec toutes ses faiblesses. Le crime du valet, c’est de croire que, sous prétexte que son maître est homme, il ne pourrait pas être dieu. Sa faute est d’avoir une conception simpliste du monde dans laquelle il y a d’un côté des hommes, pieds dans la terre et dans la boue, et de l’autre des dieux ayant la tête dans les étoiles. Le valet ne reconnaît pas la grandeur du héros, qui aussi celle de l’homme, qui consiste précisément en le fait de tenir les deux bouts, d’avoir simultanément les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.
Tel est l’objet de cette improvisation enregistrée.
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Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.
Mais c’est tout à fait moi, ça. (oh, pardon pour cette émanation d’égo intempestive) 😉
J’ai personnellement un faible pour l’interprétation de Tolstoï…
¸¸.•*¨*• ☆
Ah ! Une héroïne ! C’est très bien !
Plutarque écrivait déjà : « et n’y a rien dans les gens de bien et d’honneur que les étrangers trouvent si admirables, comme leurs domestique qui sont toujours alentour d’eux trouvent leur vie ordinaire »