Agir, c’est renoncer à la perfection


Quand je trace, au bas de mes dessins, la petite fleur qui en marque l’achèvement, quand, ayant rédigé un long message, j’appuie sur la touche “Enter” de mon ordinateur, quand je referme l’enveloppe de la lettre, quand je mets en ligne cet enregistrement puis le texte que j’écris en commentaire (celui là même qu’on lit ici), je n’ai pas le sentiment d’avoir atteint la perfection. Il y aurait eu, en y prenant le temps, bien des choses à améliorer, à peaufiner, à perfectionner. Mais voilà : à rechercher la perfection, je sais que jamais la chose n’adviendra.

On peut toujours, sur toutes choses, faire mieux que ce qui a été fait fait. Mais si l’on veut que la chose advienne à l’existence, et même à l’être, il faut, à un moment, renoncer à la perfection. Créer, et plus simplement agir, c’est renoncer à la perfection.

La difficulté – c’est une discussion que j’ai souvent avec Katia – est qu’on ne peut pas y renoncer complètement : si l’on ne recherche pas du tout la perfection, si l’on n’a aucune exigence, notamment envers soi-même, on tombe dans un laisser-aller et un n’importe-quoi qui n’est pas très différent, au fond, de l’inexistence auquel condamne le souci ireffréné de la perfection. Il faut donc tenir les deux bouts, marcher gaillardement sur ce chemin de crête qui sépare deux précipices, inlassablement avancer et inlassablement renoncer. Faire au mieux mais sans prétendre avoir donné le dernier mot ; rechercher la perfection mais ne jamais avoir l’orgueil de l’atteindre.

Car il y a dans le souci de la perfection une part d’orgueil presque démoniaque, et dans le renoncement à cette perfection une part d’humilité. Mais le contraire, aussi, est vrai en partie. Et l’on ne sait jamais très bien si ce qui nous pousse à arrêter le travail et à poser le stylo ou le pinceau est belle humilité ou laide paresse. Peut-on le savoir, d’ailleurs ? Y a-t-il un critérium pour ces choses-là ? On tâche seulement d’avancer au mieux.

C’est ainsi que sont les choses. Et c’est ainsi que va le monde.

Tel est l’objet de cet enregistrement.


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7 Comments

  1. 15 novembre 2017
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    Il y a un dicton “Le mieux est l’ennemi du bien” qui rejoint un peu ce que vous écrivez. Quand on cherche à trop peaufiner un travail au-delà d’une certaine limite, on le dégrade.

  2. 15 novembre 2017
    Reply

    Oh! Mais que j’aime cette idée que renoncer complètement à toute perfection revient (aussi) à condamner notre ouvrage à la non-existence. Et cette idée de la crête: ne jamais abandonner l’idée de faire mieux tout en reconnaissant qu’on peut toujours s’améliorer. Bien inspirant 🙂

  3. 15 novembre 2017
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    Laissons aux machines le soin de pouvoir fabriquer des choses parfaites.
    Mais c’est chaque défaut qui donne un caractère propre à l’ objet fait main, à une oeuvre, lui confère son unicité.

  4. 15 novembre 2017
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    C’est tellement vrai. Parfois c’est cela qui empêche d’avancer, La peur de mal faire nous rend vulnérable. BELLE soirée

  5. 17 novembre 2017
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    Je parle souvent d’un fil de funambule (ce que je suis) mais c’est la même idée qu’une crête, finalement…
    ¸¸.•*¨*• ☆

  6. thirty-one
    30 novembre 2017
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    Votre titre vient à point nommé dans mes pérégrinations introspectives , c’est parfait ; )

    • 2 décembre 2017
      Reply

      Tant mieux ! Merci de votre visite.

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