Pluralité des amours


Katia me faisait l’autre jour observer qu’il y a, parmi les personnes qui font du mal (des personnes que je considère quant à moi comme profondément perverties par la méchanceté et le mal), des êtres qui ont pourtant aimé très sincèrement leurs proches : femme, parents, enfants.

Et poursuivant en moi-même cette réflexion, allant au-delà des propos qu’elle m’avait tenus, je me disais que l’amour dont ces hommes méchants avaient apparemment fait preuve dans leur intimité,  cet amour si paradoxal au regard du mal dont ils étaient porteurs, avait été pour eux non pas la porte vers un amour plus grand dont ils auraient rempli et illuminé le monde mais une sorte de refuge qui leur avait peut-être au contraire permis de ne pas succomber à la haine qu’ils portaient en eux, haine qui, sinon, les aurait probablement tués – car je ne crois pas qu’on puisse vivre quand on est rempli de haine.

Et cela est tellement contraire à l’idée qui était la mienne, au gré de laquelle l’amour pour ceux qu’on aime est forcément une ouverture, une découverte, une bénédiction, le chemin rempli de fleurs vers un amour plus grand !

Eh bien non. Il peut arriver que ce ne soit pas le cas. Il peut, et c’est attristant, exister une solution de continuité dans l’amour : on peut aimer et ne pas être rempli d’amour. On peut aimer un être et haïr tous les autres ; et peut-être même est-ce parce qu’on aime quelqu’un en particulier qu’on peut être rempli de haine pour d’autres. Pas toujours, évidemment, mais parfois.

Est-ce cela que veut dire Augustin quand il parle de ce vase qu’il faut d’abord avoir vidé pour pouvoir le remplir ?

Tel est l’objet de cette improvisation matinale.

Aldor Écrit par :

16 Comments

  1. Avoir une vie de famille ne signifie malheureusement rien. Sans vouloir être pessimiste, j’ai rencontré bien plus de familles dysfonctionnelles qu’aimantes. Avoir quelqu’un à la maison ravit les pervers et névrosés en général, car ils peuvent harceler insidieusement, avec chantage etc… Je ne voudrais pas que l’on méprenne mon point de vue et que l’on m’imagine aigrie. L’amour existe en famille, tout comme il cache bien des choses. L’amour, c’est un concept bien plus large dont la famille n’est qu’un ersatz, et on peut méditer sur le fait que ceux qui ont dédié leur vie à des causes ne se sont généralement pas mariés. Le couple est un microcosme, c’est tout. Il peut être Amour, essentiel aussi à l’équilibre pour les enfants qui définiront la société de demain, mais il ne définit pas l’amour. Ce qui me navre est le nombre incalculable de personnes qui en font une quête essentielle au détriment de leur propre quête intérieure. Le couple est une insertion sociale trop souvent, être accepté comme “normal” au regard de la famille en premier lieu 🙂

    • 12 décembre 2017
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      Bonjour, Christelle,

      J’avais rédigé une réponse qui a disparu.

      Tu as certainement raison dans ce que tu dis de toutes ces familles et de tous ces couples où il n’y a plus d’amour mais seulement du harcèlement et de la possession. Mais ça n’est pas de cela que je parlais mais de ces étranges situations dans lesquelles un homme paraissant hanté par le mal pouvait cependant, apparemment, aimer vraiment quelqu’un. C’est ce paradoxe dont on m’avait parlé et qui avait été le point de départ de ma réflexion.

      Quant au fait que l’Amour ne s’épuise pas dans l’amour d’un être, bien sûr.

  2. 11 décembre 2017
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    Je trouve cette remarque intelligente : “L’amour existe en famille, tout comme il cache bien des choses. L’amour, c’est un concept bien plus large dont la famille n’est qu’un ersatz, et on peut méditer”. Bonne journée improvisée

    • 11 décembre 2017
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      Bien sûr, l’amour n’est pas un concept. La question d’Aldor n’en est pas vraiment une.

  3. 11 décembre 2017
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    ce que je remarque aussi, peut-être comme katia, c’est que ces personnes ‘détestables’ ont aussi été aimées…..et que veut dire ‘aimer’ dans ces cas si particuliers……

    • 11 décembre 2017
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      Bonjour, Maly,

      Il m’arrive de mal la comprendre mais cela, je ne crois pas qu’elle me le disait. Mais comme tu as raison ! Et comme c’est un abîme peut-être encore plus profond que tu œuvres par cette juste remarque ! Peut-on, de cet amour là, aimer ses ennemis ?

  4. 11 décembre 2017
    Reply

    On peut concevoir l’amour comme une ouverture, mais aussi comme une fermeture : l’amour est alors si exclusif qu’il vous coupe du monde.

    • 11 décembre 2017
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      Ah ! C’est une piste, Marie-Anne… Et on comprendrait alors également mieux ce dont parle Maly, et qui peut paraître stupéfiant.

      Peut-être y a-t-il, de cet amour là tourné vers une ou quelques rares personnes, plusieurs qualités, plusieurs sortes, qui dépendent soit de la personne aimée, soit de celle qui aime, soit de quelque autre alchimie. Et certaines de ces amours ouvrent au monde et à l’Amour ; et d’autres nous en séparent. Peut-être est-ce cela.

      • 11 décembre 2017
        Reply

        Tant mieux si ma réflexion vous a été utile.
        L’amour est comme vous le dites une alchimie mystérieuse, et les aspirations de chacun sont obscures.

  5. 11 décembre 2017
    Reply

    Bien-sûr, l’amour n’est pas un concept. La question d’Aldor n’en est pas vraiment une.

  6. 11 décembre 2017
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    Parfois l’amour, à son paroxysme, se rapproche de la haine…

  7. 11 décembre 2017
    Reply

    « peut-être même est-ce parce qu’on aime quelqu’un qu’on peut être rempli de haine. »
    Je ne suis pas certaine alors que l’on puisse parler d’amour…ce sentiment bénéfique qui emplit de gratitude et de joie.
    mais plutôt de possession… Souvent les gens confondent les deux….
    bises cher Aldor
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • 11 décembre 2017
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      Bonsoir, Célestine,

      Je me dis, à te lire, que mes propos étaient peut-être ambigus. La haine dont je parlais n’était pas du tout tournée vers la personne aimée. Je parlais de ces gens qui, quoique emplis de mal, aiment pourtant certains de leurs proches. Et je me disais que, dans ce cas, l’amour qu’ils ressentent pour leurs proches est peut-être nécessaire à leur survie car je ne crois pas qu’on puisse vivre quand on est plein de haine.

      Encore une fois, et comme cela est peut-être plus clair dans l’enregistrement que dans l’écrit, tout cela est parti d’une discussion et de cette réflexion qui me fut faite que l’amour ne suffisait pas à tout sanctifier et à tout bénir puisqu’il arrivait que des êtres foncièrement mauvais et cruels, méchants, aiment leur femme ou leurs enfants…

      Je ne me penchais donc pas du tout sur la question importante mais autre de la fausse monnaie de l’amour.

  8. 12 décembre 2017
    Reply

    Bonjour, Aldor,

    Personnellement, je vis avec la croyance qu’en chaque humain, se retrouvent l’enfant, l’adolescent, le parent, le travailleur, … mais aussi le psychopathe ou l’amoureux…

    Chacun développe plus ou moins chaque partie de lui et, la partie « psychopathe » fait faire à certains des choses répréhensibles aux yeux de la loi ou de la morale, ce qui met cette partie sur la place publique ; chez d’autres, la partie psychopathe est exercée de façon plus « discrète » (je pense notamment aux pervers narcissiques) ; chez d’autres enfin, la partie psychopathe est sous contrôle et ne nuit quasi pas à l’entourage ni à la société.

    Mais chacun de nous a une partie aimante, qui prend plus ou moins de place, qui est vécue avec plus ou moins d’intensité.

    Je te souhaite une belle journée.

    Béa

  9. 12 décembre 2017
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    Chaque être a sa propre vision de l’amour, peut-être que ces criminels/bourreaux agissent parfois au nom de l’amour tel qu’ils le perçoivent, mais qui nous échappe.

    • 15 décembre 2017
      Reply

      Bonsoir, Cléa,

      Peut-être n’ai-je pas été assez clair. Ou peut-être est-ce que je ne comprends pas ta remarque. Envers les êtres qu’ils aiment, les personnes dont je parle sont bonnes. Ma surprise vient de ce qu’elles puissent à la fois être aimantes envers celles qu’elles aiment et pleine de haine et de méchanceté envers d’autres. Pas seulement indifférentes ; méchantes et pleines de mal.

      Mais peut-être voulais-tu dire que ce mal qu’ils faisaient était peut-être, à leurs yeux, de l’amour ? Ça je ne le crois pas du tout.

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