La plénitude de l’éclat


 

François Cheng, dans sa première “méditation sur la beauté“, écrit que les êtres tendent vers la plénitude de leur éclat et que là est peut être la définition de la beauté.

On pense, en lisant cela, aux images d’arbres étendant leurs branches sur les pentes du Mont Lu ou ailleurs, au félin déployant ses muscles dans la savane, à l’harmonie du corps humain quand la jeunesse y fleurit, à la grâce de certains visages. On songe au spectacle des dauphins traçant leur route dans le grand bleu en sautant à travers les vagues, à la fragilité gracile des papillons, à ces grands envols d’oiseaux dans les ciels du soir.

Mais où est elle, la plénitude de l’éclat, chez le cafard ?

Il y a des êtres si différents de nous qu’avec eux, rien ne paraît commun. Ils sont autres, peut-être irrémédiablement autres. Ils ne partagent pas la beauté avec nous et nous ne sommes pas toujours certains de partager quoi que ce soit avec eux : et la très chère, si respectueuse de la vie, la respecte-t-elle quand il s’agit de poux ?

Il faut étudier ces marches, ces frontières, ces lieux sombres du monde et de notre esprit, où nos valeurs, nos amours, notre ravissement devant le monde et la création, notre respect pour la vie, trouvent leurs limites.

Il y a sûrement des découvertes à y faire.

Aldor Écrit par :

27 Comments

  1. 9 janvier 2018
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    Nous ne sommes sûrement pas concevables pour le pou, et si nous l’étions, nous serions probabelùment la chose la plus laide qui soit…

    • 9 janvier 2018
      Reply

      Certainement, oui. Mais mon pot était que nous avons du mal à ne pas faire coïncider nos valeurs avec nos sens…

      • 9 janvier 2018
        Reply

        Oui, mon commentaire va dans ce sens 🙂

  2. 9 janvier 2018
    Reply

    S’il y a des découvertes à faire, c’est nécessairement dans “cet autre” qu’il habite “ces lieux sombres du monde” ou “notre esprit”…
    J’aime votre approche des territoires des différences.

    • 9 janvier 2018
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      Oui. Je suis d’accord. Encore faut-il peut-être d’abord le reconnaître comme autre pour comprendre qu’il faut l’explorer. Accepter la différence et la reconnaître pour la dépasser au lieu de la nier.

      • 9 janvier 2018
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        Bien sûr ! Si la différence est niée, voir rejetée, si elle est ramenée à du “déjà connu”, il n’y a pas d’exploration possible…
        Belle fin de journée !

        • 9 janvier 2018
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          Et pour aimer ses ennemis au sens chrétien, d’abord les reconnaître comme des ennemis. Et cependant les aimer.

          • 10 janvier 2018

            Et si on aime, il n’y a plus d’ennemi…

          • 10 janvier 2018

            Je ne suis pas sûr, Michelle. Ou plutôt : il n’y a plus d’ennemis mais dans un deuxième temps seulement. La gageure, le pas, est de chercher en l’ennemi le semblable mais pas de le nier en tant qu’ennemi. Il ne s’agit pas de penser que tout le monde est gentil mais de reconnaître qu’il y a des méchants et dans un second temps seulement de se pencher vers eux…

          • 10 janvier 2018

            Oui, nous ne sommes pas obligés de voir et comprendre les mêmes choses… dans le respect de nos différences.
            Ainsi chacun avance dans sa propre réflexion, là où cela lui est utile.
            Belle journée Aldor et merci de m’avoir répondu. 🙂

          • 12 janvier 2018

            Oui. Bonne journée à toi, Michema.

  3. 9 janvier 2018
    Reply

    Les Anglais ont fini par me faire voir la beauté des cloportes et des araignées. Pour les cafards, ce n’est pas encore ça. 😉 J’ai cessé de trouver ridicules les efforts consentis ici pour sauver des insectes qu’en France (dans mon expérience), on aurait simplement écrasés. Je sais bien que tu ne parles pas d’insectes ni de protection de la vie sauvage, je voulais simplement évoquer un petit élément de différence culturelle dans l’approche de l’autre. 🙂

    • 9 janvier 2018
      Reply

      Merci, Frog.

      Mais je parle aussi d’insectes et de protection de la vie sauvage qu’on m’a, à moi aussi, appris à respecter. Ce qui me trouble, c’est le point, les êtres à l’égard desquels tous ces sentiments généreux, et sincères, s’effilochent. Et puis inversement la beauté me fascine.

      Et puis merci, Frog, pour François Cheng, vers lequel tu m’as conduit.

      • 9 janvier 2018
        Reply

        Oui, on sent bien la place que la beauté tient dans tes méditations. Est-ce qu’elle est pour toi aussi le lieu d’une lutte ? Je n’ai pas tendance à confondre beauté et bonté, ou, par exemple, à trouver beau ceux que j’aime, ce qui semble être un penchant répandu. Au contraire, ma propre fascination pour la beauté me paraît parfois dangereuse – en exagérant beaucoup, je dirais que mon mouvement premier serait d’aller vers elle plutôt que vers l’amour. Le commentaire de blog n’est pas vraiment approprié pour s’exprimer de manière nuancée, mais je pense que tu me comprends.

        • 12 janvier 2018
          Reply

          Oui, Frog. Je comprends et suis dans le même champ de forces.

        • 10 janvier 2018
          Reply

          Tant mieux ! Dans mon jardin les cloportes sont légion et bienvenus. 🙂

  4. 9 janvier 2018
    Reply

    Dans ma conversation avec François René Duchâble, une chose m’a marquée dans ce qu’il disait : « le beau, le beau, certes…la beauté est importante, mais en soi, aimer le beau n’est rien, si l’on n’aime pas le bien en même temps. » et là il a rajouté: « les nazis étaient épris de beauté, ils aimaient la grande musique et les oeuvres d’art »
    Pour valoir quelque chose, la beauté est indissociable de la bonté, de l’humanité.
    Je suis peut-être un peu hors sujet. Mais j’avais envie de te faire partager cette pensée.
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • 9 janvier 2018
      Reply

      Mais non. Tu n’es pas du tout hors sujet. C’est le sujet central. C’est ce dont parle Frog – et ce dont me parle K. de l’autre côté.

    • 12 janvier 2018
      Reply

      Je reviens sur ma réponse, Célestine, pour la compléter. La beauté ne suffit pas, oui..Mais elle existe. Et que les nazis l’aient aimée ne suffit pas à la discréditer. Et puis je ne suis pas sûr que toi ou moi appelions beau ce que eux appelaient beau.

  5. 10 janvier 2018
    Reply

    Ce serait, pour moi, un très grand pas, de dire, “Beau comme un pou”. Y tendre.

  6. J’aime autant ton improvisation que les échanges qui en découlent. La question de la beauté me parait centrale et fascinante. J’aurais du mal à démêler en un commentaire mes pensées à ce sujet. Comme Celestine je vois dans certains actes de bonté, dans l’élévation d ‘un sentiment, une forme de beauté mais comme Quyên, je suis fascinée (parfois aussi de façon dangereuse ou du moins inconsidéré) par la beauté dégagée de toute question morale (du bien ou du bon), celle de la nature et celle de l’art. A savoir si l’une ou l’autre de ces formes de beauté a davantage de valeur pour moi, je n’en sais rien. Mais les deux aident à vivre.
    Quant aux poux…je veux bien les trouver beaux, tant qu’ils ne grimpent pas sur la tête de mes enfants ! (petit smiley mort de rire). Et donc, je rejoins Marronbleu et fais mienne sa résolution 2018!

    • 12 janvier 2018
      Reply

      Bonjour, Clémentine. Il y a tant de choses qui se croisent dans cette question de la beauté et de l’attirance qu’elle exerce sur nous… Et tu as raison : chacun des commentaires est venu tirer un des fils de l’entremêlement pour mieux le lettre en lumière et on se retour au bout du compte avec cette grosse pelote.

      Merci à vous toutes. A nous tous.

    • 21 janvier 2018
      Reply

      Je suis bien d’accord avec toi, Clémentine : ces échanges sont passionnants, comme est passionnante, fascinante, terrible, la beauté. Oui, Quyên a raison, comme Célestine, en mettant le doigt sur ce qui à chaque fois stupéfie et peut faire hurler : il y a des beautés qui ne sont pas bonnes ; il y a des beautés mauvaises, et méchantes ! Et il y a toujours au fond de la beauté, au moins pour moi, au fond de la beauté humaine, de cette beauté qui seule vraiment m’émeut, quelque chose de sexuel, qui gît.

      Je ne dis pas que ce soit mal pour autant, et je ne le dis pas parce que je ne le pense pas. Mais cette dimension, qui est toujours présente quand j’y fais attention et que mentirais en la niant me fascine.

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