La parabole des talents à la lumière de l’amour laissé en friche


Il y a, à la fin de Matthieu, une histoire étrange, choquante à la première lecture : la parabole des talents. On y voit un maître, un seigneur qui, devant partir quelques temps pour affaires, confie à ses trois serviteurs son argent en leur demandant de le garder. Le premier serviteur utilise l’argent pour le faire fructifier et, quand son maître revient, il peut lui rendre, outre le capital initial, de gros intérêts ; il est vivement félicité. Le deuxième serviteur a, lui aussi, employé intelligemment la part qui lui avait été confiée et peut rendre plus qu’il n’avait reçu. Quant au troisième, il a été prudent, s’est contenté d’enterrer l’argent qui lui avait été donné et il rend au maître la somme exacte qu’il en avait reçu. Et ce troisième serviteur se fait violemment gronder, gourmander, battre, peut-être, au motif qu’il a mal utilisé l’argent (exprimé en talents, à la fois unité de poids et de compte) qui lui avait été donné.

C’est une scène très violente, très étonnante, et l’on est surpris de voir à quel point et avec quelle colère est dénoncé ce serviteur qui n’a fait que ne pas prendre de risques.

Mais je songeais, cette nuit, que cette étrange parabole pouvait être mieux comprise si on l’appliquait à l’amour.

L’amour qu’on donne à quelqu’un permet ordinairement à cette personne de grandir et de rayonner. L’amour qu’elle reçoit, elle le rayonne et le multiplie et c’est ainsi que, de part en part, petit à petit, la vie grandit et le monde embellit : l’amour particulier donné à une personne se reflète et rejaillit, non seulement vers celui qui l’a donné mais vers les autres : l’amour particulier se mue en amour universel et le monde en est embelli.

Mais il arrive, parce qu’il y a eu une blessure, peut-être, ou qu’une peur immense est là, qui gît, ou parce qu’on ne croit pas en soi et qu’on préfère détruire plutôt que prendre le risque de la déception – que sais-je ? – il arrive que des personnes à qui de l’amour est donné ne sachent qu’en faire. Elles ne savent pas le faire fructifier, elles ne savent pas le faire prospérer, elles ne savent pas le faire rayonner ; elles ne savent que l’éteindre, l’enterrer, le laisser mourir. Et toute cette énergie qui aurait pu embellir le monde se perd et se dissout.

Et on comprend alors la colère du maître : celui qui n’a pas su profiter des merveilles – argent, don, talent, amour – qui lui avaient été données et qui avaient été mises à sa disposition, celui qui, par crainte et manque de générosité, a laissé s’éteindre la flamme qui lui avait été confiée, celui-ci a commis un geste vraiment terrible, un vrai crime.

Aldor Écrit par :

4 Comments

  1. Bravo ! Je ne l’aurais pas vu ainsi et c’est très juste. J’ai encore du mal avec toutes les paroles des évangiles, je les trouve dures justement, mais ainsi interprétées, cela donne sens. Bon, et sachant que mon fils s’appelle Mathieu, et que dernièrement “j’ai fauté” par angoisse alors que je l’avais élevé à l’ouverture, cela remet les choses en place, merci 🙂

  2. 25 février 2018
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    Comparer l’amour et l’argent, n’est-ce pas aussi audacieux qu’hasardeux ?
    Quand je donne une somme d’argent, je ne l’ai plus.
    Quand je donne de l’amour, j’en ai toujours autant dans le coeur..
    Voilà sans doute pourquoi j’ai toujours eu tant de mal avec les paraboles bibliques… 😉
    je dois être trop pragmatique …
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • 25 février 2018
      Reply

      Vraiment, Célestine ? Quand tu donnes ton amour, tout ton amour, à quelqu’un qui ne te renvoie rien, qui l’enterre, tu en as toujours autant ?

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