Partant d’une citation profonde de Christian Bobin (et non Corbin, comme je le dis à tort, trompé par l’euphonie), je me demandais l’autre jour à qui l’on parlait vraiment lorsqu’on parlait à quelqu’un. Et il semblait que, dans bien des cas, j’en avais discuté avec Esther, c’était à un autre qu’à notre interlocuteur – et souvent à nous-mêmes – que nous parlions vraiment.
De la même façon, je me rends compte que les demandes que nous adressons, explicitement ou implicitement, à nos interlocuteurs – et d’abord à celui ou celle que nous aimons -, les attentes que nous avons envers lui, les exigences que nous avons à son égard, s’adressent souvent à un autre et en fait d’abord à nous-mêmes. Nous sommes comme ces parents qui projettent leurs frustrations sur leurs enfants et leur demandent d’accomplir les rêves qu’eux -mêmes n’ont pu réaliser : nous exigeons de celui que nous aimons ce que nous n’avons pu obtenir de nous-mêmes.
S’il y a vraiment amour, ça n’est pas trop grave : l’amour donne et se donne avant que de demander ; l’amour est justement ceci : le fait de donner avant que de demander. Quand il y a amour, le don est fait et la relation, le lien, le souffle, l’esprit, sont donc maintenus.
Mais si, pour diverses raisons – et notamment la plus banale : la peur, la terrible peur d’être trahi – on n’ose accomplir ce saut dans l’incontrôlé, ce saut de l’ange qu’est le don de soi sans condition, tout peut se briser parce qu’on ne se rend pas compte que c’est à nous-mêmes que nous demandons ce que nous croyons demander à l’autre et que cela, il ne peut évidemment nous le donner.
On ne peut pas demander à l’autre de faire ce qui n’a de sens qu’accompli par nous-mêmes.
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« Quand il y a amour, le don est fait et la relation, le lien, le souffle, l’esprit, sont donc maintenus. »
Cette phrase m’a interpellé.
Amitiés Aldor.
Bonjour Charef,
Je me rends compte que je redécouvre constamment les mêmes idées, que j’avais déjà découvertes t qui étaient retombées dans l’oubli. Et aujourd’hui c’est celle-ci : le fait que maintenir la relation en permettant que l’esprit souffle est un geste d’amour, et peut-être même le geste premier de l’amour : ne pas couper.
Et le peu que je connais de toi me fait comprendre que cette phrase te touche.
Bonne journée.
C’est très profond ce que tu dis, Aldor.
Et l’ensemble de ton billet me fait beaucoup réfléchir…
Merci
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L’amour vrai s’effrite souvent sur un ou plusieurs malentendus… De même qu’ « on ne peut pas demander à l’autre de faire ce qui n’a de sens qu’accompli par nous-mêmes. » on ne peut pas demander à l’autre d’accepter un don qu’il ne désire pas, soit parce qu’il ne le conçoit pas, soit parce qu’il l’attend d’une autre personne…