La conscience de la mauvaise foi


Discussion, hier, avec Chantal, chez Laurence, à propose de cette expérience que nous faisons tous, quotidiennement, et qui consiste à rester muet, sans réaction, sans intervention, devant un geste d’incivilité : des pieds chaussés posés sur la banquette d’un train ou d’un métro, une bouteille ou un papier jetés sur la chaussée et non dans le poubelle, etc. Rien de très grave, rien de criminel mais de petits gestes indélicats auxquels nous sommes tentés de réagir mais devant lesquels nous restons finalement cois. 

Plusieurs raisons peuvent justifier notre inaction. Les principales, cependant, sont probablement la lâcheté et la peur : nous craignons d’être mal reçus, d’être invectivés ou même de prendre des coups ; et c’est pourquoi en définitive nous nous taisons et laissons faire. 

A cette raison fondamentale s’ajoutent toutefois d’autres raisons, qui ne sont pas toutes forcément mauvaises : l’idée que notre gêne est peut-être elle-même survécue et que cette attitude qui nous irrite, qui nous cause tant d’émotions, ne mérite peut-être pas tant d’attention ; l’idée que nous en connaissons pas cette personne et que nous ne savons pas ce qu’elle traverse ; l’idée, enfin, qu’il y a, dans tout comportement de donneur de leçons, quelque chose de fondamentalement dérangeant.

Ces raisons traversent notre esprit et elles ne sont pas toutes fausses. Mais ce ne sont pas elles qui nous arrêtent mais bien la peur ou la lâcheté. Et c’est là que les choses se nouent : en cet instant où nous habillons notre peur de bonnes raisons et où nous arrivons à nous convaincre que ce sont ces bonnes raisons et non la peur qui ont dicté notre conduite.

Ce qui nous met mal à l’aise, dans l’affaire, c’est de constater notre lâcheté. Mais plus encore, je crois, de prendre conscience de notre mauvaise foi, de cette propension que nous avons à fabriquer de fausses justifications pour garder bonne conscience. Et c’est précisément cette mauvaise foi qui, quand nous la reconnaissons, quand nous en prenons conscience, ajoute de la douleur à notre honte et nous met mal à l’aise.

 

 


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6 Comments

  1. 6 octobre 2019
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    Est-il vraiment lâche d’avoir peur ? Je ne crois pas. La peur participe de notre instinct de survie et de notre sauvegarde. Nous ne devrions pas en avoir honte. D’ailleurs, dans bien des cas, on peut remplacer le mot « peur » ou « lâcheté » par « prudence », « prévoyance » ou même « sagesse ».

    • 6 octobre 2019
      Reply

      Tu as raison, Marie-Anne. Je voulais écrire quelque chose comme ça et puis ai oublié : avoir peur n’est pas toujours illégitime. Ça n’est pas forcément glorieux mais ça n’est pas illégitime.

      Ça n’est donc pas de là que vient notre malaise.

  2. 6 octobre 2019
    Reply

    Mais si bien sûr que notre malaise vient de notre lâcheté, à baisser les yeux, à ne pas voir, à ne rien dire. Alors évidement il n’est pas prudent de faire une réflexion à quatre ou cinq gars qui se croient plus forts parce qu’ils ont nombreux. Mais quand il s’agit d’une personne, qui se comporte mal vis à vis d’autrui, ou même vis à vis d’une incivilité flagrante, ce serait pas mal d’être un peu courageux, de se sentir concerné.

    • 7 octobre 2019
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      Oui, Catherine, il serait mieux d’être un peu courageux. Mais on ne l’est pas toujours. Et si notre malaise vient en partie de la prise de conscience de notre peur, je crois qu’il ne vient pas seulement de là mais aussi de la prise de conscience de notre tentative d’auto-justification.

  3. 7 octobre 2019
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    Oui le malaise vient aussi de l’auto justification … Pour le courage, j’ai du mal à comprendre pourquoi si peu de personnes en sont dotés ! Est ce de l’inné, de l’acquis ? Je sais que j’en ai, parfois jusqu’à l’inconscience, mais je ne peux dire si c’est lié ou pas à mes expériences de vie …

  4. 7 octobre 2019
    Reply

    Un débat intéressant une fois de plus.
    Il m’est arrivé de faire une remarque un jour à un gros malabar qui avait jeté par terre son paquet de cigarettes vide…Il l’a ramassé l’air penaud, mais il aurait pu tout aussi bien me mettre une raclée…
    Ce jour là, j’ai eu après coup conscience de mon inconscience… 🙂
    •.¸¸.•`•.¸¸☆

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