Le vélo, le vent et la locomotive


Je suis, à la fin du mois d’août, allé faire à vélo une promenade de quelques jours entre Paris et Domrémy, sur la Meuse, le pays de Jeanne : trois jours pour y aller ; un jour pour me balader entre Domrémy et Vaucouleurs, et un retour qui commença très bien malgré les côtes de Champagne à monter (et heureusement, à descendre).

Puis, au deuxième jour de mon retour, un vent d’Ouest se leva, un vent contraire, rendant l’avancée difficile et pénible – beaucoup plus pénible, avec mon vélo chargé de sacoches qui donnaient prise au vent, que ne l’avaient été jusqu’alors toutes les pentes à grimper. C’était, pour mes petites jambes, un calvaire. Et j’ai, du coup, abrégé mon retour et pris le train à Troyes.

Tandis que je peinais, descendant parfois de mon vélo pour le pousser tant c’était difficile, je voyais les voitures et les camions qui filaient contre le vent, comme des bisons. Et j’étais admiratif devant la puissance des moteurs.

Tant que le vent n’avait pas soufflé, le vélo avait été idéal : entendre les chants d’oiseaux, humer l’odeur des blés coupés et des bouses de vache, sentir sur son visage le soleil, la brise et les gouttes de pluie, comprendre dans ses jambes ce que sont les monts, les vallées et la joie de franchir les cols, tout cela offre une intimité avec la nature que la voiture, très tristement, ignore : quand tout est rose et que le monde présente son visage aimable, le vélo est un délice et la voiture un gâchis des sens. 

Mais que les choses se gâtent, qu’arrive le temps des frimas et des tempêtes, et tout change. Et l’on comprend alors que c’est pour ces temps-là que les machines ont été inventées et qu’elles sont une grande invention.

Il faut, disait justement Jeanne, être gaie et hardie, et c’est probablement dans cet esprit, avec gaieté et hardiesse, qu’il faut avancer dans le monde et la vie. Mais même quand tout paraît rose et l’est effectivement, il ne faut pas oublier qu’un jour arriveront les jours sombres, et il faut aussi s’y préparer.  C’est à cela que servent les voitures et les locomotives, les machines inventées par les hommes : à nous déplacer quand les petits oiseaux ne chantent plus, que le vent s’est levé, qu’il fait froid et nuit et que, pourtant, il faut avancer.

Et tenir simultanément ces deux bouts est chose extrêmement difficile.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

  1. 7 septembre 2020
    Reply

    Est-on jamais préparé aux jours sombres ? Amitiés Aldor.

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