Il est terrible d’être victime d’une violence indue.
Il doit être terrible aussi, quand on a épousé un métier, une mission, un sacerdoce, pour aider son prochain et faire le bien, de voir cette profession, cet habit, cette foi, salis et bafoués par des personnes agissant en son nom et qui en trahissent les valeurs les plus fondamentales.
Peut-être est-il encore plus terrible d’entendre les pauvres excuses que cherchent à l’inexcusable ceux qui sans doute veulent nous aider mais ne font qu’accroître le malaise : « Oui mais il avait fait un pied de nez » ; « Oui mais il y avait les caricatures », comme si ce genre de choses pouvait justifier ce qui est justement injustifiable.
La honte doit être terrible.
Mais il faut aller au-delà.
Quand les débordements, les détournements, les comportements pervertis et déviants deviennent légion, il est légitime de s’interroger sur l’institution, sur l’arbre qui a porté ces fruits pourris.
Et il faut corriger l’institution pour que de tels fruits ne puissent plus y pousser.
Et puis il faut aller plus loin.
Parce que ce policier raciste et qui tape n’est pas seulement un policier mais un Français, un homme, un humain, et que cela aussi il le trahit ; parce que ce prêtre pédophile n’est pas seulement un membre de l’Église mais aussi un homme et un humain, et que cela aussi il le trahit ; parce que ce djihadiste qui assassine en criant « Allahou Akbar » n’est pas seulement un musulman égaré mais aussi un humain, et que cela aussi il le trahit.
Aussi forte et prégnante que soit la pression des groupes auxquels nous appartenons, des institutions que nous représentons, des idéologies que nous servons, nous sommes toujours des êtres dotés d’une conscience. Et dans ces affaires là, c’est cette conscience aussi qui est prise en défaut.
Indépendamment de notre religion, de notre profession, de l’habit que nous portons, comment peut-on, en tant qu’homme, agir ainsi ?
Il ne s’agit pas, posant cette question, de dédouaner les institutions et les idéologies mais seulement de marquer qu’il y a plus profond que cela : une conscience qui devrait protester et qui ne proteste pas.
Considérer que, dans ces affaires, la honte et l’introspection ne doivent concerner que le groupe le plus étroit auquel appartient celui qui a fauté empêche de prendre la mesure de la gravité du problème.
Considérer que le problème et sa solution sont entièrement dans ce groupe là et que nous-mêmes, qui y sommes extérieurs, ne sommes comptables de rien, est illusion
Cette honte est notre honte.
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Ce que tu dis est juste en partie. Nous ne sommes pas Dieu pour juger une conscience en soi, dans la transparence de sa réflexivité, indépendamment de tout ce qui l’entoure. D’ailleurs, une conscience ne se façonne pas seule, elle dépend de la collectivité où elle s’inscrit et de ses valeurs. Nous ne pouvons juger que les actes, pas les pensées qui les accompagnent, et ces actes s’autorisent dans le cas de la police (je ne mettrais pas non plus sur le même plan toutes ces violences si différentes, pédophilie, terrorisme, fascisme de la police) de la légitimité et de l’encouragement que leur fournit le gouvernement, qui, avec son hypocrisie plus criminelle que ces crimes, les désavoue après coup. Que plusieurs policiers puissent en toute impunité, en faisant appel à des renforts, rouer de coups un homme parce qu’il est noir, et même le mettre en prison s’il n’y avait eu de prise de vue, cela ne pose pas la question de la conscience d’un seul mais d’une déviance de l’institution. Si un seul d’entre eux avait cette intention, il n’aurait pu arriver à ses fins, il lui a fallu l’appui implicite de tous les autres et l’impunité qu’il se savait garantie. On peut se poser la question du mal en soi, du pourquoi de son existence, mais dans la réalité, il faut contrer les conditions concrètes de sa possibilité. Et donc, aussi, dans la société, la misère et la précarité, l’ignorance et la souffrance, etc. C’est la violence qui nourrit la violence de toute évidence (et puis aussi la bêtise). Dans les trois cas que tu mentionnes, la question n’est pas seulement individuelle, mais collective, dans le sens qu’un collectif couvre, endoctrine et encourage ces brutes, et ce collectif singulier interroge notre collectif à tous, la manière dont nous avons décidé de vivre ensemble.
Tu t’exprimes avec plus de précision que moi, Joséphine. Nous sommes d’accord sur la responsabilité de l’institution mais c’était plutôt l’au delà qui m’intéressait
Et je pense qu’en grande partie ce que je mettais sur le compte d’un défaut de la conscience individuelle est un problème de notre vivre ensemble : quand on vit dans une même société, on n’est pas tout à fait irresponsable de ce que l’autre peut faire.
Ah oui, je te comprends mieux ! Sur ce point, je suis entièrement d’accord avec toi.