On trouve souvent sur les réseaux sociaux l’expression « devenue virale » comme argument de promotion d’une vidéo, d’une image, d’une nouvelle quelconque. Et outre la connotation, très étrange tout de même, de ce viral (qui renvoie d’ailleurs plus aux virus informatiques qu’à ceux de la biologie), on est toujours un peu surpris (et peut-être au fond de nous un brin vexé) de cet appel sans détour à nos réflexes panurgiques. Car il n’y a à première vue aucune raison pour que le succès et le degré de diffusion d’une œuvre ou d’un document soient un gage de qualité, de rigueur, de vérité.
Le phénomène ne date pas des réseaux sociaux ou d’Internet. Bien longtemps avant, il y avait les hit-parades des radios et ces « Vu à la télé » qui cherchaient, dans certaines publicités (vieillottes), à accrocher le chaland. Il y a belle lurette que la popularité est un slogan en soi.
Et après tout, ça n’est pas forcément idiot.
Sauf à revêtir l’habit (dans lequel on peut se plaire) de l’artiste maudit ou incompris, de celui qui ne crée que pour lui-même, Dieu ou les Happy Few, on aime ordinairement partager ce qu’on fait, Il y a, au fond de chacun d’entre nous, un Oronte qui sommeille, prompt à s’y réveiller. Et comment faire pour que la foule tourne vers nous ses yeux esbaudis ? Comment attirer l’attention ? On peut évidemment faire faire faire, et attendre que le jour vienne où chacun sera transporté. On peut, forçant le destin, se tresser des couronnes de laurier et clamer tout le bien qu’on pense de ce qu’on fait – mais cela manque d’élégance. Alors mettre en avant notre audience, la popularité acquise, le succès remporté n’est finalement pas totalement déplacé. C’est comme un plébiscite, un vote avec les pieds, ce genre de victoire qui cloue le bec des opposants parce qu’une fois la victoire remportée, la messe est dite, et tous les arguments deviennent des arguties, des combats d’arrière-garde.
Mais c’est justement à ce moment que les choses, parfois, basculent. Aussi biaisé qu’il puisse être, le plébiscite est un processus durant lequel un même choix ayant été offert à tous, tous ont pris connaissance d’une question et ont choisi d’y répondre. C’est un acte réfléchi et une décision qui engage. Mais voir n’engage à rien, et s’en prévaloir est agir comme un boutiquier qui vendrait peu mais se vanterait du monde présent dans sa boutique.
Et il aurait raison ! Qui n’a jamais fait l’expérience d’entrer dans une boutique vide et de constater qu’immédiatement après la foule arrive ? Nous sommes profondément, ataviquement, et peut-être à juste titre, des moutons de Panurge.
J’ai photographié les moutons à Corfou; non loin du village de Kouramaditika.
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Ma nièce a une expression très juste : les gens sont des mougeons. Un mélange de mouton…et de pigeon. parce qu’il faut bien reconnaître que les moutons de Panurge sont les pigeons idéaux de ceux qui veulent exploiter leur crédulité …
On est mal !
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