Ceux qui font de la voile savent que le plus important, pour guider et régler son bateau, n’est pas le vent réel, objectif, vrai, mais ce qu’on appelle le vent apparent, qui est un combinaison, une composition géométrique du vent réel et du mouvement propre du bateau. C’est par rapport à ce vent apparent que les voiles doivent être réglées.
Il en va de même dans les relations sociales, humaines, et probablement, au-delà, dans les relations animales : ce qui compte et justifie notre comportement, ce n’est pas l’être vrai, objectif, que nous avons en face de nous, mais l’être apparent qui est une combinaison de cet être objectif et de notre propre vision, de notre propre position. C’est cet être apparent qui est notre vrai interlocuteur et lui avec lequel nous interagissons. Et c’est même plus compliqué encore car à coté de l’être vrai et de l’être apparent, il y a encore cet être social que chacun d’entre nous projette à l’extérieur de lui et qui fait que, souvent, nous ne sommes ni véridiques, ni authentiques, et parfois pour d’excellentes raisons. C’est cet être social qui, par tendresse, gentillesse, politesse, par tout ce qui ressort du souci de l’autre, dit non quand il pense oui, dit oui quand il pense non, remercie et fait des risettes quand il voudrait s’enfuir.
Dans ce grand barnum où chacun porte un masque, ne voit les autres qu’à partir de son propre mouvement et projette sur eux ses propres angoisses, ses propres désirs, ses propres fantasmes, le malentendu est roi. Et nous avons beau passer notre vie, comme les personnages du Planétarium de Nathalie Sarraute, à calculer les autres, à tenter de les deviner, nous sommes le plus souvent à côté de la plaque, nos efforts mettant un noeud supplémentaire à un écheveau déjà inextricable.
Et c’est ainsi que le monde va, avec des malentendus qui se répercutent en abyme.
Et quand, par extraordinaire, les miroirs se brisent et que nous percevons enfin la réalité immédiate de l’être, cette révélation est comme un miracle.
En photo d’illustration, un superbe 8 Metre JI, vu sortant de la Rivière de Crac’h, près de la Trinité.
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