Droits déniés


Je croyais jusqu’à hier que, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aussi bien celle de 1789 que celle de 1793 ou de 1795, « homme » était pris dans son acception générique et visait à la fois l’homme et la femme.

Puis alerté par un post sur LinkedIn (Solène Thomas relayant un article d’Alicia Birr consacré au livre d’Eliane Viennot : En finir avec l’homme), j’ai relu la Déclaration (lue pourtant des dizaines de fois). Et à la lumière de cette alerte, aucun doute n’est possible : l’homme dont parle la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas du tout l’homme générique, l’humain, le représentant de l’espèce ; c’est le mâle, le masculin, l’homme sexué, l’homme qui se différencie de la femme en ceci justement qu’il a des droits et le statut de citoyen.

Je suis tombé des nues. Car c’est d’une dénégation au carré qu’il s’agit : ce n’est pas qu’on refuse des choses aux femmes, c’est qu’elles n’entrent même pas dans le cadre de la réflexion ; la question de leur reconnaître des droits et un statut de citoyenne ne se pose pas plus pour elles qu’elle ne se pose pour les souris ou les pâquerettes ; elles sont hors champ. Les droits, les devoirs, les garanties, les libertés sont ceux des hommes, de ces hommes à qui seuls il est accordé de jouir des droits civiques nés de la Révolution. On découvre soudain la grandeur et l’immense difficulté des efforts d’Olympe de Gouges qui, aux Révolutionnaires, tenta d’apporter une révolution si radicalement copernicienne qu’ils furent totalement incapables de l’appréhender.

Et puis ce qui me stupéfie et me choque intimement, c’est qu’il m’ait fallu tant de temps pour saisir moi-même, percer à jour et comprendre la signification de cette invisibilité qui depuis toujours s’étalait sous mes yeux.


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