Je me promenais hier dans les rues de Paris. Dans les quartiers huppés où me portaient mes pas, tout était délicieux dans cet été indien : soleil caressant, ciel bleu, gens heureux, terrasses envahies et riantes. Et j’étais moi aussi profondément empli de ce bonheur simple et animal : aller dans la fraîcheur solaire et cotoyer mes semblables.
Il y a tout le reste, pourtant : la pauvreté qui, y compris chez nous, gangrène les existences, la violence, la pollution, la maladie, la honte, le réchauffement climatique, les frustrations, le pillage du monde, l’injustice, les souffrances infligées aux êtres vivants, le malheur des hommes, des femmes, des enfants.
Et dans la joie de vivre, la pure et simple joie de vivre que parfois nous ressentons, tout cela qui s’oublie.
Dans ses Mémoires d’une jeune fille rangée, une autre Simone raconte qu’elle avait un grand respect pour Simone Weil, non pas seulement à cause de son talent de philosophe mais parce qu’il se disait, à la Sorbonne, qu’elle avait pleuré, un jour, en apprenant qu’une famine frappait la Chine.
Entre ma conviction que rien de vraiment grand ne peut se faire sans être porté par la joie, et l’admiration que j’ai pour l’entièreté, l’intégrité, la féminité antigonesque de Simone Weil, je ne sais que faire. D’un côté la vie, avec son flux continu, ses oublis, son infidélité, ses trahisons, sa schizophrénie quotidienne ; de l’autre le pur, le vrai, l’authentique, l’incorruptible, mais qui au bout du compte, aux compromissions de la vie, préfère la mort.
Je ne suis pas absolument certain, au bout du compte, que ces deux attitudes soient conciliables.
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