Le prix des choses

Le lac d’Amour, surmonté par la Pierra Menta

Ce n’est pas parce qu’une chose ne coûte rien ou qu’elle est indispensable qu’il ne faut pas la faire payer, du moins à certains, au-delà d’un certain volume ou pour certaines utilisations. D’une part parce que les choses dont la mise à disposition ne coûte vraiment rien sont rares ; d’autre part et surtout, parce que dès lors qu’une ressource est à la fois nécessaire à la vie de chacun et utile à la production de biens marchands, le risque est grand qu’elle ne soit accaparée par celles et ceux qui peuvent en tirer profit.

Ainsi, notamment, de l’air et de l’eau – de l’air respirable et de l’eau potable, ces deux fluides indispensables à la vie. Chaque être vivant, qu’il soit végétal ou animal, doit pouvoir disposer d’air et d’eau à satiété ; mais ce n’est pas pour autant que l’air et l’eau doivent être rendus universellement et inconditionnellement gratuits. Une telle gratuité, universelle et inconditionnelle, a en effet pour conséquence de mettre en concurrence directe, pour l’accès à la même ressource, le lièvre et le fabricant de poupées, la fleur des champs et le constructeur automobile. Or de cette confrontation du pot de terre et du pot de fer, on devine l’issue : vient un moment où les besoins de l’industriel, épaulé par l’Etat qui regarde aux emplois et au chiffre d’affaires, prévalent sur ceux de la faune et de la flore, puis sur ceux des hommes et des femmes n’ayant pas les moyens de se défendre. Et c’est ainsi que l’air, l’eau et l’espace, qui étaient richesses communes, sont peu à peu privatisés, les plus faibles étant exclus de leur bénéfice.

La question, je m’en rends compte en avançant, est moins celle du prix ou de la gratuité que de l’établissement de deux systèmes distincts selon les utilisateurs : ceux qui, ayant un besoin vital de la ressource, doivent pouvoir y accéder immédiatement et gratuitement ; et ceux qui, utilisant cette ressource comme une matière première, doivent être empêchés de la détourner au profit de leurs intérêts privés.

Cette distinction fondamentale une fois établie, on n’est pas tout à fait au bout de la difficulté. Reste en effet la question des marges et des nuances : jusqu’à quelle quantité les besoins relevant de la première catégorie sont-ils vraiment vitaux et à partir de quand relèvent-ils plutôt du superflu ? ; et sur quels critères les utilisateurs de la seconde catégorie peuvent-ils ou doivent-ils être différenciés selon qu’ils produisent de la nourriture (et laquelle ?), des vêtements ou des jetons de casino ?

Ce sont là des questions redoutables et dont je ne sous-estime en rien la difficulté. Mais la priorité est bien de poser en prémisse le droit des êtres vivants, quels qu’ils soient, à bénéficier gratuitement des ressources naturelles qui leur sont indispensables ; et donc la nécessité absolue de réglementer d’une façon ou d’une autre l’accès des autres utilisateurs à ces mêmes ressources.

Faute de cela, il est à craindre que les intérêts sonnants et trébuchants ne l’emportent toujours sur la nature muette, et sur ceux d’entre les animaux humains qui n’ont pas les moyens de se défendre.

Aldor Écrit par :

4 Comments

  1. 31 mars 2023
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    question insoluble dirait-on…….peut-être…….mais j’espère car en étant soi-même conscient des ‘choses’, on agit en conséquence à sa propre échelle…. on fait sa part… de colibri dit-on

  2. 31 mars 2023
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    ps: la photo m’a attirée comme un aimant…. elle est sublime!

    • 2 avril 2023
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      Merci Maly.

      Je lai prise à la fin de l’été dernier, tandis que je faisais le tour du Beaufortain.

      • 2 avril 2023
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        il en émane ‘quelque chose’ qui fait d’elle une photo ‘unique’ et ‘magique’

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