La loi, la vérité, le climat

La loi dit la règle. Elle ne dit ni ce qui est juste, ni ce qui est vrai.

La loi ni ne dit que 1 plus 1 font 2, ni n’interdit de dire que 1 plus 1 font 3 ; elle ne dit pas qui a raison et qui a tort, seulement ce qui est permis et ce qui est interdit. Elle n’est ni la justice, ni la science, ni la conscience, à qui revient seules de prononcer le juste et le vrai.

Dans le beau film Saint Omer, d’Alice Diop, un magnifique hommage est rendu à la justice, à cette procédure lourde, scrupuleuse et patiente qui permet, quand c’est possible, de faire émerger le juste et le vrai, de les extraire du brouhaha des choses. Et c’est par un travail également lent et patient que, depuis des millénaires et dans tous les domaines, la connaissance se construit.

Il n’y a de vraie science et de vraie vérité que dans ce lent, patient et souvent difficile affrontement aux choses, aux êtres, aux idées. C’est pourquoi on enseigne les mathématiques et non pas seulement leurs résultats ; pourquoi on fait des expériences de chimie et des travaux pratiques de biologie ; et c’est pourquoi aussi le bachotage appelé philosophie en terminale est le contraire de la philosophie : la science et la vérité se conquièrent de haute lutte même si souvent avec joie ; elles ne s’apprennent pas par coeur ni ne s’imposent au forceps de la loi.

Or voici qu’est venue à certains l’idée de rédiger, faire voter puis appliquer une loi “relative à la responsabilité des médias dans le traitement des enjeux environnementaux et de durabilité” dont l’article 8 imposerait, entre autres, aux sociétés éditrices de presse et audiovisuelles de “ne pas publier ou diffuser des prises de position qui contredisent, minimisent ou banalisent l’existence des limites planétaires et de la raréfaction des ressources, de leur origine anthropique et du risque avéré que ces crises représentent pour l’habitabilité des écosystèmes.”.

Les promoteurs de cette proposition de loi expliquent que ces phénomènes sont trop graves et trop certains pour être contredits, qu’il ne s’agit donc pas d’opinion mais de science ; et qu’il est du devoir de la société de se défendre contre la désinformation et le mensonge.

Mais comment ne voient-ils pas que c’est justement en confiant à la loi le soin de la défendre qu’on dégrade irrémédiablement une vérité en opinion ? Et qu’il n’y a pas de plus sûr moyen de faire douter d’une chose que d’en interdire, par la loi, la contestation ?

Le jour où les gendarmes m’emmèneront pour avoir déclaré que la terre est plate, que 4 est un nombre premier ou que Charlemagne a succédé à Louis XIV ; ce jour là, il faudra s’inquiéter.

Car la vérité, comme la beauté, n’a nul besoin d’être défendue par l’armure de la loi ; et ceux, djihadistes ou inquisiteurs, qui prétendent ainsi la protéger ne sont que ses bourreaux.

Aldor Écrit par :

3 Comments

  1. 1 octobre 2023
    Reply

    Clap clap clap, Aldor ! Une belle et souriante journée à toi.

    • 1 octobre 2023
      Reply

      Merci Gilles. Bonne journée à toi aussi

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.