Il eut un temps, un long temps, où je préférais le refus d’une promesse à une promesse non tenue. Qu’elles étaient nobles, ces personnes qui, sachant leur faiblesse, refusaient la facilité de l’engagement pour ne pas devoir, un jour, manquer à leur parole !
Avec le temps, mon avis change ; et je me dis parfois, de plus en plus souvent, qu’une promesse faite mais non tenue vaut mieux que l’absence de promesse ; et que celle-ci est plus souvent révélatrice de pusillanimité que de noblesse de coeur.
Nul ne peut jamais savoir de quoi demain sera fait ; nul ne peut, en toute rigueur, engager l’avenir, même le sien. Mais on peut essayer d’être autre chose qu’un bouchon ballotté par les flots.
Ne pas promettre au motif qu’on pourrait ne pas tenir, ne pas s’engager pour ne pas risquer de décevoir ou de se renier n’est pas l’acte de courage qu’on croit souvent commettre quand on agit ainsi ; c’est un acte de fuite et une démission.
Car il y a, dans la promesse, une vertu performative que refuse qui refuse de s’engager. La peur du reniement n’est que le choix du déliement, celui de l’absence de contraintes. Mais cette absence de contraintes n’est pas la liberté, qui est combat permanent sur soi-même et le reste ; c’est l’errance du bouchon à la surface de l’océan.
En illustration sonore, Ma liberté, de Georges Moustaki, chantée par Serge Reggiani pour qui elle avait été créée.
Il y a sûrement toute une continuité de dispositifs entre le cadenas du Pont des Arts et sa paire de clefs au fond de la Seine et un bouchon sur l’océan ! On pourrait commencer par lui mettre une petite voile. Avec les Alizées … Personnellement, je trouve que le cadenas est une fort horrible métaphore de la fidélité !
Une belle soirée à toi, Aldor.
Oui Gilles : quelle horreur que ces cadenas verrouillés et accrochés en foule, pour marquer la fidélité ! Et oui : il y a plus de choix que ça.
En fait, mon propos était plutôt tournée contre l’attitude, qu’on voit parfois, consistant à refuser de s’engager non pour des raisons précises (je n’ai pas confiance, je ne crois pas, je ne veux pas), ce qui est tout à fait légitime, mais pour une raison générale liée à l’incertitude de l’avenir (peut-être serai-je mort demain). C’est cela qui me paraît relever de la fuite.
(Mais peut-être un prétexte tellement devinable du refus que c’est évident, en fait).
Bonne journée à toi !