Ne pas oublier

Il ne faut pas oublier, disent les rubans jaunes noués dans les rues de nos villes. Il ne faut pas se laisser mithridatiser par la quotidienneté du mal. Il faut conserver notre capacité d’indignation.

Il ne faut pas oublier ces femmes et ces hommes de Gaza dont la vie est quotidiennement engloutie, déchirée, sous les bombes, les obus, les décombres, ou fracassée par la balle d’un sniper qui les a précisément visés. Ne pas oublier cette tuerie quotidienne qui se poursuit depuis des mois.

Il ne faut pas oublier les otages du 7 octobre et celles et ceux qui, ce jour là, ont été assassinés, violées et meurtris.

Il ne faut pas oublier la liste de tous ceux qui, sur ce pan de terre, les ont précédés dans un malheur qui ne commença pas le 7 octobre ; si longue, cette liste, qu’elle n’a pas de début, pas de première martyre, pas de premier coupable.

Rien, de cela, ne doit être oublié.

Rien, de cela, ne doit être oublié pour ne pas oublier, d’abord, les êtres qui sont là, qui sont là toujours vivants, toujours tremblants, toujours apeurés et blessés, et qu’il ne faut pas abandonner.

Il faut ne pas oublier pour pouvoir rendre justice. Justice contre ceux qui ont commis ou commettent des crimes, contre ceux qui les y ont aidés, encouragés, couverts ; mais non vengeance contre les autres : les frères, les femmes, les enfants, les parents, les voisins ; rendre justice aux coupables et paix aux innocents, ce qui est aussi leur rendre justice.

Il faut ne pas oublier pour être juste. Pour reconnaître qu’aussi effroyables soient les crimes commis par ceux que nous voulons juger, nous les aurions, en certaines circonstances, probablement commis nous-mêmes, comme ont commis des crimes semblables nos frères et soeurs de combat. Ne pas oublier qu’en chacun d’entre nous, et pas seulement dans le camp d’en face, gît une bête féroce qui parfois se réveille.

Il faut aussi ne pas oublier l’histoire, l’histoire longue et tragique de ces combats qui se répètent, de ces massacres qui se répondent, de ces vengeances qui se nourrissent l’une l’autre. Ne pas l’oublier pour ne pas, une nouvelle fois, relancer la machine à carnages, pour avoir la force d’arrêter le déchaînement mortifère dont nul, jamais, ne sortira vainqueur. Ne pas oublier pour se donner une chance de passer à autre chose.

Ne pas oublier, enfin, pour ne pas, par lassitude, pragmatisme et dégoût de nous-mêmes, sombrer dans l’indifférence, pour ne pas finir par accepter l’inacceptable.

Aldor Écrit par :

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