Le simple et le sophistiqué

Le phare et la baleine (mais ça n’est pas vraiment le phare de Porquerolles)

Le phare de Porquerolles, qui ressemble plutôt à une casemate, est assis à l’extrême sud de l’île, sur une falaise dressée au dessus de la mer. Et le jeu, lorsqu’on en revient, est de se laisser aller à la pente, et de retarder autant que possible le moment où l’on pédalera à nouveau.

Je joue à ce même jeu, si simple et si plaisant, quand, ayant traversé Paris, je m’enfonce sous terre, le matin, pour rejoindre le deuxième sous-sol du parking où, au bureau, je range mon vélo. J’arrête de pédaler et vois jusqu’où cela me conduit.

Et puis il y a le théâtre Nô, découvert avec Constance et Sabrina, ce spectacle tellement complexe, tellement codifié, tellement sophistiqué ; cette pièce dont je n’ai probablement pratiquement rien saisi parce que l’essentiel ne passait pas par les mots, qui étaient traduits, mais par le reste, que je ne saisissais même pas. Et la gourmandise qu’on éprouve devant cette montagne de règles qu’il faudra assimiler pour pouvoir apprécier.

Je reste ébahi par la profondeur, la diversité, l’étendue de nos goûts, que nous partageons probablement avec beaucoup d’autres animaux, qui nous font aimer et rechercher à la fois des choses très simples, très sobres, très pures ; et d’autres très sophistiquées, très complexes, pleines d’arabesques, de double-fonds et parfois de perversités. Ici comme en tant d’autres domaines, nous tenons et voulons tenir les deux bouts ; non pas seulement ceci ou cela mais simultanément ceci et cela, simultanément l’un et l’autre, le tout et son contraire ; et toujours si rapidement blasés, si vivement fatigués, aussi grand et puissant qu’ait été notre plaisir, toujours ce désir d’en changer qui survient et fait de nous des êtres sinon tout à fait insatiables (car nous pouvons nous rassasier), du moins toujours tremblants, toujours espérant, toujours en désir, des êtres toujours tournoyant et en attente, comme le faisceau de la lumière des phares qui jamais ne nous laisse paisibles, jamais ne nous laisse comblés à jamais.

Aldor Écrit par :

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