Mains rouges

Il y a sûrement des antisémites parmi les étudiants qui, aux États-unis, en Italie, en France ou ailleurs, protestent et manifestent contre la guerre menée à Gaza par Israël, contre les conditions dans lesquelles Israël mène sa guerre à Gaza. Et parmi ceux qui, dans ces mouvements, arborent des mains baignées de rouge, il y en a sûrement qui se réfèrent ainsi au massacre de Ramallah le 12 octobre 2000 et qui, ce faisant, appellent au meurtre.

Ici comme ailleurs et toujours, cet antisémitisme est déplorable, inexcusable, injustifiable. Et de même pour cet appel au meurtre.

Mais réduire cette protestation, cette  émotion, cette dénonciation d’un conflit qui se solde par des dizaines de milliers de morts civiles, l’anéantissement de centaines de milliers d’habitations, la destruction systématique d’infrastructures scolaires ou universitaires, à l’antisémitisme ; faire comme si (et a fortiori croire) il fallait être antisémite pour considérer qu’il y a, dans la façon dont le gouvernement israélien mène cette guerre, dans la dévastation méthodique de la bande de Gaza, quelque chose d’inacceptable, c’est de l’aveuglement.

Il y a sûrement, parmi ceux qui protestent contre les opérations menées à Gaza, des antisémites ; comme il y a sûrement, parmi ceux qui défendent cette opération, des personnes qui ne souhaitent finalement que l’anéantissement de Gaza. Mais réduire les deux camps à ces positions-là, prêter main forte au processus de désinformation consistant à caricaturer l’adversaire, à le réduire à un être vil et démoniaque, à le déshumaniser, c’est faire le lit des extrémismes.

La stratégie des extrémistes, depuis toujours et d’où qu’ils soient, consiste à faire de l’adversaire, de l’adversaire considéré comme un bloc, un monstre assoiffé de sang, pour justifier qu’on le massacre et pour susciter ainsi, chez l’autre, une telle haine que tout rapprochement, tout dialogue devienne illégitime et impossible. Ce fut la stratégie des massacreurs du 7 octobre comme c’est probablement la stratégie d’une partie de l’armée israélienne : agir sauvagement pour que nul retour en arrière ne soit possible.

Il serait naïf et irresponsable de nier l’existence, dans les deux camps, de méchants ; ce serait tomber dans leur piège. Mais ne voir qu’eux, ne parler que d’eux, et oublier les autres, toutes celles et ceux qui, ici comme partout, ne demandent qu’à vivre une vie paisible et douce, c’est également faire leur jeu, contribuer à leur sale besogne.

Ceux qui ne voient, ceux qui veulent ne voir, dans les foules demandant la paix pour Gaza, que des assassins en puissance ou des complices des assassins ; ceux qui, dans les mains brandies par les manifestants, ne veulent voir que celles peintes en rouge, et précisément celles d’entre elles qui le seraient pour de mauvaises raisons, ceux-là se voilent la face et apportent leur pierre à la lourdeur, à la pesanteur des choses.

Aldor Écrit par :

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