C’est une chose d’une très grande banalité mais qui, quand on a le loisir d’y penser, comme ici, à Porquerolles, entre marche, baignade et sieste, a quelque chose de magique : on a beau manger (car au total, dans notre vie, on doit bien manger beaucoup) et choisir, comme Jean des Esseintes, je crois, des mets d’une même tonalité, relevant d’une même famille et d’une même harmonie, on ne devient pas ce que l’on mange. J’ai beau ainsi, ne manger depuis des jours que du vert et du blanc : basilic, pourpier, feta, tomate verte, anis, sel et huile d’olive (auxquels s’ajoutent ou se substituent parfois courgette, concombre, ail et oignon), je ne deviens pas vert et, hélas pour moi ! de mignonnes petites feuilles charnues ne viennent pas agrémenter de leur relief l’aridité désolante de mon crâne. J’aimerais bien, à force de nourriture végétale et fleurie, devenir une sorte de Puck, ce joyeux vagabond de la nuit qu’incarnerent, il n’y a pas si longtemps, Damien et Patricia, mais ça ne marche pas : Bernard je suis, Bernard je demeure.
Je ne sais plus quel éminent biologiste (ou philosophe, ou écrivain ?) avait défini le lapin comme l’être qui transforme en lapin ce qu’il mange, et ainsi, par mimétisme (récurrence ?), de tous les animaux : les êtres vivants ne se muent pas en ce qu’ils mangent ; ils transforment ce qu’ils mangent en leur propre substance, s’en nourrissent et s’en accroissent.
Les êtres vivants ne deviennent pas ce qu’ils mangent ; ils l’assimilent, et l’utilisent pour rester eux eux-mêmes, pour se perpétuer dans l’être. C’est une chose extraordinaire, un des très nombreux et très merveilleux miracles de la vie, dont on ne peut que s’enthousiasmer pour peu qu’on y porte attention.
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