Croissez et multipliez
3.Drill, Baby, drill!

Last updated on 22 février 2025

La mine de diamants de Mir, en Russie
(c) Staselnik

Pour nourrir, vêtir, loger huit milliards d’hommes et de femmes dispersées d’un bout à l’autre de la planète, il faut des villes, de la division du travail, une agriculture mécanisée, de l’industrie, des transports, des télécommunications ; et pour maintenir ensemble ces êtres sans que le désespoir, la frustration, la violence ne déchirent tout, il faut des institutions, des États, des langages, des cultures, des spectacles, des croyances : toute une superstructure sans laquelle l’humanité imploserait ; superstructure qui, à son tour, rétroagit positivement avec les croissances démographique et économique : « Croissez, et multipliez, et remplissez la terre ; et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur toute bête qui se meut sur la terre. », dit ainsi La Genèse.

Le monde et les êtres qui le peuplent offerts à nous comme une proie, une chose, une chair fraîche soumise à nos seuls désirs. C’est très phallocrate, masculiniste (masculin ?), cette façon de voir les choses ; mais elle n’est que la mise en mots et précepte biblique d’un élan atavique : croître,  croître, croître ; croître et tout occuper. Tenir ce corps, l’embrasser, le creuser, le pénétrer du soc de nos charrues, du pic de nos marteaux piqueurs, le féconder et le faire nôtre en y répandant la blanche substance de nos bétons et nos ciments !

La terre mère devenue terre-objet, une planète poupée gonflable vouée à notre seul plaisir, à notre seul désir, à notre seul instinct : croître et multiplier. Et peu importe que nous la ravagions, que nous l’étouffions et qu’elle soit exsangue ; un Dieu le Père nous a donné pour elle son consentement.

Certaines et certains, parfois, parmi nous, prennent conscience du caractère délétère de cette culture machiste, de cette course folle à l’expansion sans fin, et se lèvent pour que soient instaurés des rapports plus paisibles, plus équilibrés, plus durables, entre l’espèce humaine et la planète, entre hommes, femmes, terre et autres êtres ; et cela toujours passe par un déclin des deux croissances, l’humaine et la matérielle, moteurs de tous les ravages, alibi de tous les pillages.

Et parfois surgissent d’autres hommes qui, bombant le torse et bandant bras et membres, éructent, dans un rire gras : « Drill, Baby, drill ! ». Et la grande razzia, la grande tournante repart alors dans le fracas des trépans s’enfonçant dans les roches et le halètement des camions qui, dans les découvertes, vont et viennent dans les vulves de la terre, leurs bennes chargées d’or et de diamants.

Pour chanter Veni Creator, il faut une chasuble d’or
Pour chanter Veni Creator, il faut une chasuble d’or
Nous en tissons pour vous, grands de l’église
Et nous, pauvres canuts, n’avons pas de chemise

À suivre…


Derrière ma lecture, l’enregistrement d’une mine de charbon que je dois à la BBC (qu’elle soit, une nouvelle fois, remerciée). Et à la fin, parce que cela se prête bien au récit du labeur déployé pour extraire du sol ses richesses, la Chanson des Canuts, d’Aristide Bruand.

En illustration, la mine de diamants de Mir, qui fut longtemps une des plus grandes mines à ciel ouvert du monde. Aujourd’hui, la découverte a été abandonnée mais des galeries souterraines ont été percées pour exploiter le reste du gisement.


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