Last updated on 22 février 2025

Pour se tenir, une bicyclette a besoin de rouler ; elle n’a pas besoin d’accélérer continûment, d’accroître à chaque instant et indéfiniment sa vitesse. Si c’était le cas, on dirait, à juste titre, que quelque chose ne tourne pas rond, parce qu’une vitesse ne peut pas indéfiniment augmenter et qu’on sait d’expérience que plus la vitesse est élevée, plus est élevée aussi la dépense d’énergie nécessaire à un accroissement de cette vitesse. Si bien que vient un moment où même les plus dopés des champions cyclistes ne peuvent aller plus vite et où la vitesse plafonne. Et personne ne s’en plaint : un vélo n’est pas une formule 1.
Or la croissance, la croissance économique, c’est une accélération ; c’est produire et consommer plus, toujours plus. Ce qui a du sens quand le nombre de bouches à nourrir croît mais n’en a plus aucun quand ce nombre est stable ou décroît.
D’ici quelques années, la population mondiale se stabilisera, puis commencera à décroître, comme ça commence à être le cas dans les pays riches. Pourquoi, dans ces conditions, l’économie, le produit national ou intérieur brut devrait-il continuer à croître ? Pourquoi la production de biens et de richesses devrait-elle augmenter quand la population stagne ou diminue, au moins dans les pays qui, comme le nôtre, ont atteint un niveau de développement qui, s’il était bien (ou ne serait-ce que mieux) réparti, permettrait à chacun de vivre confortablement ?
Une économie qui ne croît pas n’est pas une économie qui ne produit rien, ce n’est pas une économie arrêtée ; c’est une économie qui a trouvé son rythme de croisière, son rythme de promenade à bicyclette et qui produit donc autant en année n qu’en année n-1 : les hommes et les femmes mangent, travaillent, fabriquent, consomment ; ils renouvellent leurs vêtements, leurs appareils, achètent des livres et des places de théâtre mais pas plus chaque année que la précédente, pas toujours plus. Ils sont dans un équilibre dynamique stable.
De même que quelque chose clocherait forcément dans un vélo qui serait obligé, pour ne pas tomber, d’accélérer continûment, il y a quelque chose qui dysfonctionne dans une économie qui a besoin de croissance continue pour ne pas se casser la figure.
Pour dire les choses autrement, on peut probablement diagnostiquer que si une société riche comme la nôtre a besoin de croissance pour ne pas s’écrouler, c’est sans doute parce qu’une part croissante de la richesse qu’elle produit est détournée ; détournée non pas forcément dans la poche de profiteurs mais dans des dépenses collectivement inutiles mais rendues nécessaires par l’explosion des externalités négatives : pollution, inégalités, tensions sociales, dont l’atténuation mobilise des sommes de plus gigantesques. Autrement dit, ce n’est pas l’absence de croissance qui cause la crise, c’est l’existence d’un dysfonctionnement qui fait de la croissance une nécessité. Cette croissance n’est pas un remède mais l’indice de la maladie.
A suivre…
Derrière ma lecture un enregistrement du chœur de l’aube réalisé à Saboye, hameau de l’Ariège, près de Saint-Girons.
Le dessin d’illustration est hybride : j’ai fait un dessin en noir et blanc sur l’écran de mon téléphone (ce sont bien mon vélo, mes collines et mes arbres) et une IA de Samsung a donné ce rendu, en couleur et en relief.
Croissez et multipliez |
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1. Qu’est-ce qui croît, dans la croissance ? |
2. Une ruse génétique ? |
3. Drill, Baby, drill ! |
4. L’économie et la bicyclette |
5. La saturation des exutoires |
6. Résister à l’hubri |
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