L’intercession d’Abraham
3. L’arithmétique des infinis

Last updated on 15 mars 2025

Une partie de l’ensemble de Mandelbrot

Est-ce pour cela que le calcul infinitésimal à été inventé ? Pour trancher qui, de Dieu ou d’Abraham a raison, quand le premier semble penser qu’un pleur d’enfant suffit à condamner le monde ; et que le second rétorque qu’un sourire de jeune fille devrait suffire à le sauver ?

Comment fait-on avec cette humanité qui nous balade continuellement des pires horreurs aux prodiges les plus extraordinaires ? Comment fait-on, avec ce monde où le sublime, à chaque instant, côtoie le cauchemar ; où l’on voudrait arrêter tout, jeter tout dans un grand déversoir, quand la souffrance, la douleur, la méchanceté, la haine, la cupidité empoisonnent l’air, ce qu’elles font si souvent ; et tout embrasser, caresser, chérir, protéger, quand la bonté, la douceur, la générosité, l’attention dominent comme elles le font parfois ? Comment gère-t-on ce jeu incessant de ping-pong entre le pire et le meilleur, cette tempête continuelle ? Comment navigue-t-on parmi les flots tumultueux, les courants et les hauts fonds de cet espace fractal, de ce paysage fait de sommets et d’abysses ?

Chaque sourire justifie que le monde continue d’exister comme chaque pleur devrait suffire à ce qu’il disparaisse, revienne au néant initial. Et instant après instant, jour après jour, siècle après siècle, s’ajoutent et se soustraient sur les balances cosmiques les larmes et les rires, les beautés et les laideurs, les bontés et les méchancetés.

Et quelque part peut-être, probablement, (je ne sais s’il faut le craindre ou l’espérer), une arithmétique que nous ne connaissons pas encore mais qui sait additionner et soustraire, comme choux et carottes, les peines et les joies ; une arithmétique que nous ne connaissons pas mais qui sait manier et multiplier les infinis, qui sait comparer le bonheur d’un être au malheur de dix autres, la beauté d’un concerto à la laideur d’un mensonge, le désespoir de l’otage à la terreur du bombardé ; une arithmétique sachant soupeser le plaisir et la douleur, l’attrait et le dégoût, le désir et l’ennui ; cette mathématique que nous ne connaissons pas fait avancer ses engrenages pour calculer si tout cela mérite de subsister, mérite tous les efforts des femmes et hommes de bonne volonté, s’il convient que le temps poursuive sa course dans le champ des étoiles et des merveilles ou s’il ne convient pas mieux d’arrêter là les frais, de stopper la grande horloge du monde.

À suivre.


L’image d’illustration a été générée par le programme Mandelbrot Set Explorer. Elle représente  une petite partie, parfois baptisée Fuzzy spirals, du plan complexe à proximité du corps de Mandelbrot, aux alentours des coordonnées (-0,465 ; -0,578i)

Derrière ma lecture, Diamonds and Rust, la magnifique chanson de Joan Baez, par elle-même interprétée, qui se prêt si bien à ce monde rempli de démons et de merveilles.

L’intercession d’Abraham
1. Un rire de jeune fille
2. Les larmes de l’enfant
3. L’arithmétique des infinis
4. Ce qui manque à Dieu, c’est l’amour

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