« Le scepticisme, cette carie de l’intelligence »

Last updated on 31 mars 2018


« Le scepticisme, cette carie de l’intelligence « 

écrit Victor Hugo à propos de Grantaire, ce personnage qui, dans Les Misérables, tourne autour du groupe d’étudiants que rejoindra bientôt Marius.

C’est un mot dur, comme Victor Hugo, qui ordinairement perçoit et présente les vertus de ses personnages, en dit rarement.

C’est un mot dur, et qui va à rebours de notre intuition car celle-ci nous dit que, bien loin d’en être la carie, le scepticisme est une sorte d’achèvement, de couronnement de l’intelligence. Et c’est justement cette idée que Victor Hugo met en cause.

Le scepticisme est, pour Victor Hugo, quelque chose de fondamentalement négatif et mauvais, quelque chose qui n’est peut-être, au départ, qu’étriqué et peureux, mais qui finit par tout envahir, comme la carie envahit la dent et finit par la tuer, aurait-elle d’abord été saine.

Le scepticisme, né de l’intelligence comme la carie naît au cœur de la dent, est une sorte de péché contre l’intelligence. Parce qu’il se sert de l’intelligence, parce qu’il se fonde sur l’intelligence mais qu’il en mésuse, qu’il la détourne, que, tout en respectant très précisément les formes, il en viole l’esprit, parce que, ressemblant à l’intelligence, il la trahit et la vide de sa grandeur et de sa générosité.

Le scepticisme est ce sentiment qui nous envahit au moment de plonger et de croire, de faire confiance, d’accepter, et qui nous retient sur le bord du chemin. Parce que la route est sinueuse, parce que les ombres y sont étranges, parce que cela ne ressemble à rien de ce que nous connaissons et que l’angoisse nous étreint. Et alors nous restons là, effrayés de ce monde étranger vers lequel, bien que faisant les esprits forts, nous n’osons nous avancer. C’est une prévenance, un préjugé qui nous empêche d’aller jusqu’au bout, de nous laisser aller, de lâcher prise, de nous abandonner.

Mais il n’y a pas que cela. Car on peut ne pas croire. On peut réfuter les arguments et ne pas considérer comme preuve ce qui nous est présenté. On peut refuser et dire : « Non ». Mais le scepticisme ne va pas jusque là. Le scepticisme ne dit pas : « Il n’y a pas » ; il dit seulement : « Je n’y crois pas ». Et là est son deuxième crime, sa deuxième incapacité à rejoindre l’absolu : une deuxième fois, le scepticisme ne va pas jusque au bout de lui-même ; une deuxième fois il s’arrêt en chemin, restant comme au carré sur le bord de la voie, sans aller jusqu’au bout de cet aveu, de cet engagement. Et cette nouvelle réticence vient s’ajouter à la première, dans une sorte de trahison de la trahison.

Une nouvelle fois, le scepticisme manque de générosité. Est inauthentique.

PS : On entend, derrière l’enregistrement de ma voix La prière, une mélodie pour piano et cordres composée par Georges Gurdjieff.


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4 Comments

  1. 22 mars 2018
    Reply

    Je ne parviens pas à commenter tes deux derniers billets…
    Volonté ou problème technique ?
    Aucun scepticisme dans ma remarque. Juste l’espoir que la seconde solution soit la vraie…
    Bisous cher Aldor
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • 23 mars 2018
      Reply

      Bonsoir, Célestine,

      C’est un fait exprès, en fait. Je n’arrive pas à m’organiser pour répondre dans un délai convenable – ce qui n’est ni gentil, ni très agréable pour ceux qui ont la gentillesse de commenter – surtout quand je compare aux longues réponses que toi, par exemple, accordé à tes commentateurs. Dans ces conditions, mieux vaut peut-être fermer cette porte et prendre vraiment le temps de commenter les autres.

      Et puis…

      Et puis ce que je dis est dit. Peut-être est-il mieux, au lieu d’y revenir, de passer à autre chose. Il y a déjà de la prétention à se mettre en avant ; peut-être est-il inutile d’en rajouter.

      C’est tout ça, quoi, chère Célestine.

      Bisous.

  2. […] à accepter pour ne pas passer à côté du monde et de la vie. Le scepticisme, “cette carie de l’intelligence” comme disait Victor Hugo, ne peut être notre seul maître. Il est vain et ne conduit nulle […]

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