« Montrer à l’homme la voie de son âme à lui, en passant par son âme à elle »


Etty Hillesum écrit dans son journal, à la date du 17 mars 1942 :

« C’est la mission historique de la femme, pour le temps à venir, de montrer à l’homme la voie de son âme à lui, en passant par son âme à elle. Et la tension érotique n’est pas condamnée à disparaître pour autant, mais il s’agit de donner à toutes choses la place qui leur revient, de les ordonner.
Et je crois aussi que, pour un certain temps à venir, les hommes qui joueront le rôle le plus important et le plus novateur sont ceux qui – tout en restant authentiquement hommes – ont en eux – comme S. lui-même, comme un Rilke par exemple – une part si forte de féminité qu’ils, oui qu’ils… et ici ma capacité de formulation me fait faux bond – qu’ils montrent la voie vers les régions de l’âme. Et non pas les « mâles », les Führer et autres héros en uniforme. Non pas ceux que l’on appelle les vrais hommes, mais peut-être ceux-là n’existent-ils que dans les fantasmes des femmes. »

Voici une idée, un ensemble d’idées, qui me plaît et me touche. Parce que je me reconnais (je ne parle pas ici du talent ou de la profondeur) dans ces hommes comme Julius Spier ou Rainer Maria Rilke ayant en eux une part forte de féminité – Inès me l’avait dit un jour que nous parlions de Katia ; mais aussi parce que je crois profondément, ressens et vis cette présentation de la femme – de la femme qu’il aime – comme un moyen pour l’homme, le seul moyen peut-être, d’aller au bout et au fond de lui-même, puis au-delà encore et encore : la femme aimée comme porte des étoiles.

Est-ce seulement le fruit de mon éducation ? Est-ce seulement une représentation fantasmée de la femme, symétrique de celle dont Elly Hillesum parle à propos des hommes ? Peut-être. Mais je ne crois vraiment pas qu’hommes et femmes soient identiques ou qu’ils ne diffèrent que par leur physique.

Mais peut-être me trompè-je. Peu importe, d’ailleurs. L’important est de trouver dans cet Autre qu’on aime une altérité radicale couplée à la foi la plus totale. Et de garder vivante et fluide cet étonnement mêlé d’attention et d’amour.


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3 Comments

  1. 2 juillet 2018
    Reply

    S’il y a une chose dont je ne te remercierai jamais assez, c’est de m’avoir ouvert la porte de l’univers d’Etty Hillesum. Ce fut la grande bouffée d’air pur de mon année, et ce n’est certainement pas la dernière.

    • 2 juillet 2018
      Reply

      Ah ! Ça me fait très plaisir, Esther.

  2. […] De même que nous n’avons pas un corps mais que nous sommes un corps, nous sommes un homme ou une femme, notre sexe n’étant pas un attribut supplémentaire et accessoire qui viendrait s’ajouter à une substance essentielle asexuée. Quoi qu’ait pu en dire Simone de Beauvoir, nous ne devenons pas homme ou femme, nous naissons homme ou femme et nous le sommes entièrement, intimement, du plus profond de notre être à la pointe de nos cheveux – ce qui ne signifie évidemment pas que nous devions en être la caricature : Etty Hillesum a eu, à ce propos, des paroles très belles. […]

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