Last updated on 8 janvier 2019
Le ministère de la transition énergétique et solidaire a lancé, il y a deux jours, une consultation publique sur un projet d’arrêté relatif à la chasse. Il s’agit d’éviter que, lors des chasses à courre, les animaux qui se sont réfugiés dans des jardins privés ou des quartiers d’habitation ne soient abattus, comme cela était arrivé et avait été filmé il y a quelques mois, dans l’Oise.
Le texte modifie un arrêté de 1982 et y introduit un article 7, ainsi rédigé :
« Art. 7. – En grande vénerie, lorsque l’animal est aux abois ou au ferme (sur ses fins, pris, forcé ou hallali courant) et qu’il se trouve dans le périmètre de lieux d’habitation, de jardins privés y afférents, de zones commerciales ou artisanales et de bureaux, il est gracié.
« Le maître d’équipage ou son suppléant doit sans délai et par tout moyen veiller à ce que l’animal ne soit pas approché. Il s’assure de la sécurité des personnes et des biens. Il met tout en œuvre pour retirer les chiens dans les meilleurs délais. Il facilite le déplacement de l’animal loin de la zone habitée.
« Si ce résultat n’est pas atteint ou si les moyens requis ne permettent pas raisonnablement de contraindre l’animal, le responsable de l’équipage avise la gendarmerie, la police nationale, le maire de la commune ou le service en charge de la police de la chasse, qui décide de faire appel aux services d’un vétérinaire. L’autorité publique évalue la situation et décide de faire procéder à l’anesthésie de l’animal par le vétérinaire, aux frais de l’équipage, ou à défaut, de procéder à sa mise à mort. »
Je n’aime pas spécialement la chasse et encore moins la chasse à courre qui me paraît un loisir cruel. Mais là n’est pas l’objet de mon propos.
Ce qui me choque, dans ce texte, ce sont les mots : “Il est gracié” utilisés pour signifier que l’animal ne sera pas mis à mort.
C’est apparemment le même terme qu’on emploie en tauromachie lorsque, le public, le maître de cérémonie et le toréador ayant jugé que le taureau s’est vaillamment battu, ils décident de ne pas l’achever et de lui laisser la vie sauve.
Dans un cas comme dans l’autre, les mots sont pervertis, cette perversion des mots dénaturant la réalité : ni le cerf poursuivi par une meute de chiens, ni le taureau mené de force dans l’arène n’ont commis de crime. Ils ont été traqués par plaisir sanguinaire alors qu’ils ne demandaient qu’à vivre leur simple vie. Ils ne sont ni des criminels ni des condamnés mais des victimes. Il n’ont pas à être graciés, eux qui seraient au contraire les seuls à pouvoir pardonner.
Prétendre gracier l’animal qu’on a chassé à mort ou conduit dans l’arène, c’est inverser les rôles et donner des habits de lumière à qui s’est fait le porteur du mal.
Il faut refuser cette perversion des mots qui est un crime contre l’esprit et la vérité.
PS : Il est indiqué sur le site du ministère que : ” Les modifications proposées dans ce projet d’arrêté ministériel ont fait l’objet d’un avis favorable à l’unanimité de la part des membres du Conseil National de la chasse et de la Faune Sauvage, le 29 novembre 2018 (où siègent les représentants des chasseurs et d’associations de protection de la nature).” Cela se voit : on ressent, dans l’emploi des termes de vénerie (aux abois, à ferme, sur ses fins, pris, forcé, hallali courant) une sorte de gourmandise qu’on peut juger assez écœurante.
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J’approuve absolument . Tout d’abord pour mon antipathie ( et bien plus ) envers la chasse comma la tauromachie; et surtout parce-que l’on vit des temps où la « perversion des mots » tout comme l’évitement voire la disparition de certains dans les sphères décisionnaires et exécutantes sont un fléau visant à nous plonger dans la confusion , l’ignorance ( c’est drôle j’ai failli écrire , par étourderie ignirance … ) l’impouvoir .
C’est exactement ce terme de gracié qui m’a glacée en plus de la chasse au plaisir de traquer et d’abattre un animal qui n’a rien demandé à personne sinon qu’on le laisse vivre avec une relative paix puisque même son habitat est proie aux invasions et agressions humaines.
Tu as raison, les mots ont leur importance . La vie est encore plus forte que les mots ainsi comment peut-on retirer la vie pour le plaisir ?
J’ai déjà écrit un article sur la chasse et cela m’en fait perdre mes mots d’ailleurs comme la tauromachie…!
Bel après-midi
Je pourrais consentir à ne pas gracier “le chasseur”. J’y mets des guillemets parce qu’il y a sûrement chasseur et chasseur … malgré le fait que je n’en ai aucune preuve.
Oui, certainement. J’ai tout fois une image un peu plus monocoloredu chasseur à courre.
Oui, certainement. J’ai tout fois une image un peu plus monocolore du chasseur à courre.
merci de relever ce ‘problème d’emploi du mot gracier’ bernard
j’en suis profondément bouleversée comme tout ce qui porte atteinte à la vie, même si dans ce cas c’est pour ‘laisser la vie’
je suis allée au cinéma dernièrement pour voir le film ‘mia et le lion blanc’ dont voici un article lié au film: http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Gilles-de-Maistre-Mia-et-le-lion-blanc-a-ete-achete-partout-dans-le-monde-sauf-en-Afrique-du-Sud
on pourrait croire que ce film est un film pour enfant mais c’est avant tout un film documentaire pour dénoncer une réalité méconnue et détestable
pour moi la chasse-plaisir qui n’est pas liée à la notion de ‘chasser par besoin de se nourrir’ n’a pas de légitimité
les forêts de chez moi sont des forêts dites de ‘grandes chasses’ car très giboyeuses de par leur superficie et le spectacle de fin de journée avec l’étalage des ‘trophées’ est pour moi écœurant et insoutenable
il est important de savoir que ces parties de chasses sont extrêmement chères et ne sont à la portée que des bourses très bien garnies
le vocabulaire employé va donc de pair avec la ‘tradition’ de vénerie qui était l’apanage des nobles des siècles passés et qui est aujourd’hui celui de notables, politiciens, grands industriels etc.
bien sûr, il existe aussi de nombreux ‘petits’ chasseurs mais qui ont un droit de chasse très limité sur un territoire donné et ça n’a rien de ‘comparable’ en terme de ‘massacre’….
il m’a été donné de voir un cerf aux abois, un dimanche matin en traversant la forêt: il s’est arrêté pile devant ma voiture car il traversait au moment où j’arrivais….il était en nage, écumant d’avoir sans doute beaucoup trop couru et nos regards se sont croisés un long moment le temps qu’il reprenne son souffle (j’en ai encore les larmes aux yeux)….c’était un ‘douze cors’ magnifique dont le poitrail dépassait du capot de ma voiture et je n’oublierai jamais cette rencontre et cet ‘échange’ les yeux dans les yeux afin que je puisse en témoigner……….
Et puis, ce qui est répréhensible dans nos actes sociétaux, c’est de perpétrer la souffrance. Quelle vie pour ce taureau d’avoir été torturé et d’attendre le prochain round pour souffrir à nouveau ? Est-ce une “grâce” ? Quelqu’un qui n’aurait été ni bourreau ni victime qui pardonne est en état de grâce “naturel”. Un président qui gracie n’a été ni bourreau ni victime : il permet à la République de pardonner. Mais tous ceux qui agissent avec violence et pensent “gracier” se fourvoient en effet. La grâce appartient à ceux qui agissent dans la paix, la sérénité, le respect.
Je suis tellement d’accord.
Toutes ces traditions ancestrales sont débiles et devraient être une bonne fois mise au rebut…Mais là encore, on est face à un lobby…comme celui de la tauromachie, ou de la chasse à la palombe ou à la glu.
Super article, Aldor !
•.¸¸.•`•.¸¸🖤
Merci Célestine.
On y arrivera, même sil faut un peu de temps. Mais commençons d’ores et déjà par nommer un chat un chat et par ne pas parler de grâce là où il s’agit de tout autre chose…
Merci, ‘vy. Bonne journée.
Bonjour, Christelle,
Dans le cas du taureau, j crois qu’on le laisse tranquille jusqu’à la fin naturlele de ses jours – enfin, tranquille… on lui donne le rôle d’étalon… – mais je suis bien d’accord avec toi. Pour gracier, il faut être en position de le faire…
Bonjour Maly,
Je ne connaissais pas ce film, ni ni la réalité sur laquelle il se fondait. Quelle tristesse !
D’animal aux abois, je n’en ai jamais vu. J’ai vu des cerfs, magnifiques mais qui étaient libres et calmes, dans leur forêt tranquilles. Qu’on puisse les chasser à courre, dans un jeu cruel, est une autre cause de tristesse. Et d’incompréhension.
Bonne journée.
Bonjour Cat.
J’ai vu ton article. C’est effectivement le plaisir – je veux dire : la justification d’un retrait de vie pour le seul plaisir – qui condamne certaines chasses, surtout celles où une partie du plaisir découle directement de la souffrance infligée. Ce qui vaut également pour la tauromachie.
Bonjour Belles sources.
Oui, le mot mensonger qui détourne de la vérité. Et tu as raison de souligner que, même sans chasse, leur habitat subit une agression.
Bonne journée.
Bonjour Nef,
La perversion ds mots me touche également beaucoup. Appeler blanc ce qui est noir ce qui est blanc est une sorte de mensonge au carré qui entretient la confusion et freine la prise de conscience.
Bonne journée aux runes.