Protéger, exposer : aimer et vivre ensemble


Aimer un nouveau né, pour ses parents, c’est le protéger. Puis l’enfant grandit et l’aimer consiste alors à lui donner l’autonomie, à l’exposer, pour qu’il puisse prendre son élan, son essor, son envol, devenir un être libre et responsable. Les parents qui, à ce moment-là, continuent à ne vouloir que le protéger, lui interdisent en fait de vivre. Et sous couvert d’altruisme et de bienveillance, c’est à eux-mêmes, en se rendant de force indispensables à leur enfant et en y trouvant rassurance, qu’ils rendent service. Ils sont comme ce Grand inquisiteur que décrit Dostoïevski dans Crime et châtiment qui, sous prétexte de prendre sur lui le fardeau de la liberté et d’en décharger les épaules des hommes, défend en fait son pouvoir et son statut de maître, et l’asservissement de ses semblables.

Aimer n’est pas que protéger.  C’est protéger quand il y en a besoin mais aussi, parfois, pousser en avant, et le plus souvent ne rien faire, ou seulement accompagner, pour que toutes les potentialités puissent advenir.

Dans la vie parentale, le plus souvent, ces phases se succèdent. Dans la vie sociale, elles se superposent parce que coexistent, au même moment, des personnes et des groupes qui réclament ou nécessitent protection, d’autres qui veulent seulement être laissés tranquilles et d’autres enfin qu’il faut pousser ou exposer.

On aimerait pouvoir, au sein d’une même entité politique, combiner ces différentes approches sans qu’elles se sclérosent et s’excluent mutuellement, se figent en idéologies absolues et universalistes : libéralisme et socialisme, politiques de gauche et de droite. Mais je me demande si, indépendamment même de nos institutions, qui ne s’y prêtent guère, ce projet n’est pas une chimère qui se heurte à ce besoin, profond en nous, de rationalité, de logique, de tout ou rien, et à la défiance que nous inspire le souvenir de tous ces compromis devenus compromissions : tous ces gens qui parlent d’altruisme mais qui n’ont en tête que leur propre intérêt ; et tous ceux qui parlent de liberté et qui ne visent qu’à asservir les autres.


La photo, prise à Chaintreaux il y a quelques années, montre un nid (de je-ne-sais quelle espèce) où piaillaient des oisillons.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

  1. 31 mars 2021
    Reply

    Tu parles d’or !
    Combien de parents “poules” n’osent plus pousser leurs enfants sur le chemin de la vie, et les enrobent dans du coton jusqu’à ce qu’ils étouffent…
    •.¸¸.•`•.¸¸☆

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