Y a-t-il un moment où la curiosité de découvrir, de ressentir, de partager ce que fait l’autre, dépasse une borne pour devenir avidité ? Y a-t-il un moment où le désir de mieux connaître devient désir d’absorber, de se nourrir, de s’incorporer la substance de l’autre à la facon de ces anthropophages qui mangent les corps de ceux dont ils veulent acquérir les vertus ?
La bouche qui embrasse est aussi celle qui mord, la main qui caresse celle qui empoigne. L’amour toujours se tient aux lisières de la dévoration. Embrasser sans mordre ; tenir dans ses bras sans retenir ; aimer sans manger de ce manger ogrique qui tue à force d’adorer.
Aimer sans absorber, aimer sans emprisonner, aimer sans dévorer l’autre. Mais l’aimer aussi sans le nier, sans vouloir le dissoudre dans son propre soi-même.
Aimer l’autre dans son altérité, dans son identité singulière.
« La grande douleur de la vie humaine, c’est que regarder et manger soient deux opérations différentes » observait Simone Weil.
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