Tout et son contraire

Thérèse d’Avila, par Francois Gérard (Domaine de la Vallée aux Loups, Maison de Chateaubriand)

Nous sommes, vis-à-vis des autres humains, animés de désirs, d’attentes, de demandes, profondément contradictoires  :

Nous aimons en particulier la simplicité, l’authenticité, les êtres carrés et faits d’un bloc ; mais aimons aussi le secret, les personnalités mystérieuses qui ne se laissent pas appréhender d’un coup ; ces talents qui ne se dévoilent qu’à qui a la patience de gratter la couche superficielle.

Nous aimons la transparence mais en même temps les replis, ce qui rend les êtres retors, voire un peu pervers : les assassins au grand coeur, les nonnes licencieuses, les bourreaux amateurs de musique, les concierges spécialistes de littérature – tout ce qui permet de donner épaisseur et double-fond à l’image simple que nous nous faisons des êtres.

Cela vaut évidemment pour celles et ceux que nous aimons, mais pour les autres aussi, y compris celles et ceux que nous croisons dans la rue, qui nous sont inconnus et indifférents mais sur le sourire fugitif ou le regard rêveur desquels nous brodons à l’envi des aventures, des contes, des histoires : combien de romans d’amour j’ai composé ou deviné, au fil de mes promenades, dans ces visages, ces yeux mouillés ou baissés, ces rires et ces pleurs qui donnaient soudain vie à des sihouettes grises.

Katia dit aimer la transparence : celle des verres et celle des êtres monolithes dont tout se sait au premier regard. Je ne la crois qu’à moitié. La vraie transparence, qui rend les êtres indéfiniment prévisibles, prédictibles, devinables, est incapable de satisfaire le profond besoin de mystère, de découverte, qui est en nous. C’est pourquoi les Saints, quoi qu’on en dise et quoi qu’on veuille en penser, nous sont insupportables : ils sont trop ennuyeux, trop monocouches, trop superficiels. Il n’y a guère parmi eux que Thérèse qui échappe à ce reproche ; c’est parce qu’on devine que son amour pour Dieu se nourrit de sentiments et de passions bien humaines : d’un déchirement sans lequel la sainteté n’est qu’un manque de profondeur.

Aldor Écrit par :

Soyez le premier à commenter

    Laisser un commentaire

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.