Parentèle

un jeune bonobo – (c) Cincinnati Zoo

Je savais que les  bonobos et chimpanzés étaient nos plus proches cousins encore vivants mais je ne savais pas, même si cela va peut-être de soi, que la réciproque était également vraie. Nous sommes, de tous les vivants, les plus proches parents des bonobos et chimpanzés, plus proches en particulier que ne le leur sont les gorilles, orangs-outans et autres gibbons. Et je dois dire que cette proximité-ci me touche plus que celle-là ; elle me donne un plus grand sentiment de responsabilité.

Sans doute cette parentèle humanoïde nous est-elle plus lointaine que celle constituée par nos frères humains ; mais comme on le sait d’expérience, un peu de distance permet parfois de mieux distinguer, de mieux saisir les choses : c’est dans le regard de qui nous aime plus que par nos propres yeux qu’on se connaît le mieux ; par le détour de l’autre qu’on se découvre soi-même.

Et quelle découverte ! D’un côté les moeurs coopératives et la société conciliante et matriarcale des bonobos ; de l’autre les moeurs agressives et la société violente et patriarcale des chimpanzés. Tout cela de part et d’autre d’un fleuve dont l’apparition, il y a moins de deux millions d’années, sépara en deux les membres d’un groupe jusqu’alors uniforme, les uns, futurs bonobos, héritant d’un territoire petit et riche et les autres, futurs chimpanzés, d’un territoire vaste mais plus hostile.

On estime à 10 000 le nombre total des bonobos, à 250 000 celui des chimpanzés.  Il y a également 100 000 gorilles et peut-être 70 000 orangs-outans. Tous restés confinés dans des zones limitées alors que le cousin prodigue, parti à la découverte du monde, a peuplé la planète de 7 milliards et demi de ses sembables : une réussite incroyable et inédite ; du jamais vu dans l’histoire du vivant.

Sept milliards et demi d’un côté ; moins d’un million de l’autre. Nos cousins ne pèsent rien : chaque année, l’équivalent de dix fois la population totale des grands singes meurt de faim parmi les humains. Il y en a plein aussi, des enfants mignons aux grands yeux, qui disparaissent dans le malheur du monde. Et d’autres êtres vivants aussi, par milliards.

Il y a, dans la réussite humaine, quelque chose d’infiniment raté, d’infiniment amer, d’infiniment triste.

Formons des voeux pour le bonheur du monde et des êtres qui le peuplent.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

  1. […] Je n’ai, je le répète, aucune compétence en ces matières. Ce que j’écris ici n’est donc que matière à songer, libre exercice de pensée. Mais je trouve assez tentante, assez riche, assez explicative, cette idée d’une évolution en partie régressive, l’hypothèse d’une apparition et d’un développement de l’humanité qui ne serait finalement que la naissance, l’expansion puis le triomphe d’un enfant-singe, d’une espèce dotée d’un gros cerveau mais figée dans son enfance, et en laquelle seraient indissociablement liées les immenses qualités et les quelques défauts des enfants – à moins que ce ne soit le contraire. Quelque chose comme des enfants rois qui, par leur énergie, leur curiosité, leur vivacité débordantes, auraient su conquérir le monde mais n’auraient pas encore appris à le gérer en bonne mère de famille et en useraient comme d’un jouet, sous l’oeil attristé mais impuissant de leur parentèle. […]

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